Cinémomètres: serez-vous les "volontaires" du radar photo?

Dossiers
mardi, 19 mai 2009
C’est aujourd’hui, mardi 19 mai, que les cinémomètres (radars photo) entrent en service dans la Belle Province. Ils sont installés en 15 endroits stratégiques en vertu d’un projet-pilote de 18 mois, chapeauté par le ministère des Transports du Québec. Ils sont sans doute l’une des solutions les plus percutantes afin de réduire le nombre de morts sur nos routes… au grand dam des «volontaires» qui appuient trop sur le champignon ou qui brûlent les feux rouges.

Une précision, d’abord : si l’on veut désigner « radars photo » ces appareils qui mesurent la vitesse, encore faut-il qu’ils renferment un radar. Et sauf trois radars photo qui sont mobiles (et assistés d’un policier), tous les autres appareils utilisés dans le projet-pilote québécois ne comportent aucun radar.

Ceux installés aux feux rouges (6) et de façon permanente en bordure de certaines routes (6) misent plutôt sur des boucles d’induction magnétique qui, insérées à même le sol, détectent le mouvement et la vitesse des véhicules. Il convient donc d’appeler « cinémomètres » ces appareils de surveillance photographique.

Cela dit, en choisissant cet outil de contrôle routier, le Québec vient joindre quelque 70 administrations qui, un peu partout sur la planète, font déjà de même. Et c’est justement en analysant ce qui se fait ailleurs que la Table québécoise sur la sécurité routière, présidée par Jean-Marie De Koninck (le père d’Opération Nez-Rouge), en est venue à recommander les cinémomètres.

Des exemples? En France, cinq ans après l’installation des premiers cinémomètres, on évaluait à 43% la diminution du nombre de morts sur les routes. « Les trois quarts de cette diminution seraient directement attribuables aux radars photo, » soutient Mathieu Grondin, chef du bureau de projet sur les cinémomètres à Québec.

Dans l’Hexagone, quelque 2200 appareils sont actuellement en service. On projette d’en doubler le nombre au cours des prochaines années.

Là où on se tue

Pour ses premiers pas dans le monde des radars photo, le Québec mise d’abord sur un projet-pilote de 18 mois qui ne touche que trois régions. Quinze emplacements (voir notre liste) ont été sélectionnés parmi les plus « accidentogènes » de la province et où la surveillance policière y est risquée : six à Montréal (milieu urbain), quatre en Montérégie (population dense) et cinq dans Chaudière-Appalaches (milieu rural).

Mis à part deux cinémomètre sur autoroute (notamment sur la 20 Ouest à Boucherville), tous les appareils visent des zones où la vitesse est de 90km/h ou moins. « C’est là où on se tue le plus, non pas sur les autoroutes », dit Jean-Marie De Koninck.

Après un an de projet-pilote, l’analyse des données viendra confirmer – ou non – un déploiement à plus grande échelle. Le président de la Table sur la sécurité routière croit qu’un millier de cinémomètres amélioreraient substantiellement le bilan routier québécois : « Pour le moment, les gens ralentiront à l’approche d’un cinémomètres, puis ils ré-accéléreront. Si on place des appareils un peu partout, ils trouveront beaucoup moins stressant de… simplement respecter les limites. »

Mêmes contraventions, mais sans point d’inaptitude

C’est ce matin que les 15 cinémomètres du projet-pilote québécois devaient transmettre aux policiers les premières photos (cryptées) de contrevenants. Le ministère des Transports du Québec (MTQ) est formel : chaque incident sera analysé par un policier afin de vérifier s’il y a bien eu infraction. Si c’est le cas, le Bureau des infractions et amendes du ministère de la Justice aura 30 jours pour émettre une contravention, que l’automobiliste fautif recevra par la poste.

Un peu comme l’an dernier avec l’interdiction du cellulaire au volant, une période de grâce est accordée – de trois mois.  Les contrevenants recevront un avis par la poste, mais n’auront pas à défrayer la note.

Dès le 19 août cependant, ce sera du sérieux. Les coûts rattachés aux excès de vitesse et infractions aux feux rouges seront bien réels. Ils seront exactement les mêmes que si l’infraction avait été notifiée par un policier, mais n’entraîneront pas de point d’inaptitude.

Cette dernière mesure évite d’avoir à prouver qui conduisait – ou pas – le véhicule sanctionné. En effet, respect de la vie privée oblige, on ne pourra voir qui se trouve dans l’habitacle du véhicule. Le propriétaire reçoit une contravention, mais c’est quelqu’un d’autre qui conduisait? Un mécanisme de « transfert de responsabilité » a été prévu.

« Politically correct »

La ministre des Transports, Julie Boulet, se défend bien de mettre en place « des trappes à argent » et souligne que tous les cinémomètres sont clairement annoncés. La signalisation routière, dans le cas des cinémomètres pour vitesse, sera disposée de façon à donner le temps aux conducteurs de ralentir.

La ministre soutient par ailleurs que toutes les sommes recueillies iront au Fond de la Sécurité routière et au financement de programmes d’aide aux victimes de la route. En France, les 2200 cinémomètres ont rapporté 447 millions d’Euros en contraventions l’an dernier, soit plus de 700 millions de dollars canadiens.

Au Québec, le projet-pilote, un contrat « clé en main » accordé à la firme CGI, représente un investissement initial de 6,6 millions de dollars. Cette somme comprend l’installation (confiée à Genivar), mais aussi l’architecture informatique, le support et l’entretien. Les appareils sont de fabrication allemande – étrange, lorsqu’on pense aux «  Autobahn » germaniques sans limite de vitesse…

Est-ce que les policiers québécois feront preuve de tolérance si un automobiliste est « pincé » à 72km/h dans une zone de 70km/h? « La seule chose que je peux vous dire, soutient M. Grondin, du ministère des Transports, c’est qu’à partir du moment où un conducteur dépasse la limite, il s’expose à une contravention. »

Une chose est plus sûre : « Il y en aura, des contrevenants,  de dire Jean-Marie De Koninck. Il y a les distraits, ceux-ci ne devraient se faire prendre qu’une seule fois. Et il y a ceux qui se foutent de tout, y compris de la signalisation et des autres. C’est justement ceux-là qu’il faut intercepter – moi, je les appelle des ‘volontaires’… »

Ça sera payant, les cinémomètres?

« Et comment! conclut M. De Koninck. Ça sera très payant… en termes de vies sauvées. »


Les pièges d’ailleurs

La France a connu des démêlés avec ses radars photo. Vandalisme, contestations devant les tribunaux, mauvaises lectures de vitesse… Jean-Marie De Konink, président de la Table québécoise sur la sécurité routière, estime que la Belle Province a pris le temps de regarder ce qui se faisait ailleurs et que, profitant des erreurs commises par les autres, elle a su se protéger des pièges inhérents aux cinémomètres.

Statistiques-choc

Une statistique internationale veut que pour chaque réduction de la vitesse d’un tout petit kilomètre/heure, le bilan routier s’améliore de 3%. En France, l’installation de radars photo aurait permis de réduire la vitesse de 8km/h. Voilà qui aurait représenté l’an dernier, si ça avait été le cas au Québec, 25% moins de décès sur nos routes – soit 140 morts en moins.

En ville, à chaque tranche de dépassement de 5km/h de la limite de vitesse, le conducteur double le risque d’être impliqué dans un accident avec blessés. À 75km/h dans une zone de 50km/h, il risque 32 fois plus sa peau.

Dans un impact à 90km/h, les chances de survie sont de 60%. À 110km/h, dispersion de l’énergie cinétique oblige, le même impact n’accorde que 10% des chances de survie.

Jean-Marie De Koninck, père de l’Opération Nez-Rouge, soutient que si le Québec faisait aussi bien que la Suède ou la Norvège en termes de bilan routier, ce ne sont pas 557 morts qu’on aurait enterrés l’an dernier, mais « seulement » 350.


FICHE TECHNIQUE: cinémomètres au Québec

QUOI :
Projet-pilote de cinémomètres (pendant 18 mois). Entrée en service ce matin de 15 appareils, répartis dans trois régions du Québec.
POURQUOI :
Premier objectif : sauver des vies. Aussi : modifier le comportement des automobilistes, évaluer l’acceptabilité des cinémomètres et développer des expertises pour un éventuel déploiement à grande échelle dans la province.
QUI :
Chapeauté par le ministère des Transports du Québec. S’insère dans la Loi 42 qui a aussi interdit le cellulaire au volant, imposé les pneus d’hiver et créé les grands excès de vitesse.
OÙ :
Aux sites les plus « accidentogènes » et où la surveillance policière est risquée (voir notre liste).
COMMENT :
Des cinémomètres photographient les véhicules qui roulent trop vite ou qui brûlent un feu rouge. Les photos (cryptées) sont envoyées aux policiers pour qu’ils confirment – ou non – l’infraction. Si c’est le cas, une contravention est postée au propriétaire du véhicule. Un mécanisme de transfert de responsabilités a été mis en place pour ceux qui affirment qu’une autre personne se trouvait au volant.
COMBIEN :
Les mêmes coûts, respectivement, que pour un excès de vitesse ou un feu rouge brûlé. Mais sans point d’inaptitude. Notez que pour les cinémomètres installés aux intersections, un automobiliste qui s’engage alors que le feu est jaune, mais qui achève de traverser alors que le feu est rouge, ne sera pas pénalisé.


OÙ SONT CES CINÉMOMÈTRES?
Où                                      Type                 Vitesse limite        

MONTRÉAL (6)

1) University – sud             Feux rouges        50km/h
(Intersection Notre-Dame)
2) Ste-Catherine – est       Feux rouges        50km/h
(Intersection D’Iberville)
3) Boul. Décarie – nord     Feux rouges        50km/h
(Intersection rue Paré)
4) Chemin McDougall     Cinémomètre fixe   50km/h
(entre Le Boulevard et Cedar)
5) Autoroute 15 – sud    Cinémomètre fixe    70km/h
(avant la sortie Atwater)
6) Notre-Dame Est           Radar mobile      50 et 60km/h
(entre De Lorimier et Gonthier)

MONTÉRÉGIE (4)

1) Saint-Constant               Feux rouges        70km/h
(Route 132 – est, intersection Monchamp)
2) Boucherville               Cinémomètre fixe    100km/h
(Autoroute 20 Ouest, avant Mortagne)
3) Pincourt                     Cinémomètre fixe    70km/h
(Autoroute 20 Est, 350m à l’ouest du boul. De l’Île)
4) Marieville                   Radar mobile        70 et 90km/h
(Route 112, entre Richelieu et Ste-Angèle-de-Monnoir)

CHAUDIÈRE-APPALACHES (5)

1) Lévis                             Feux rouges        50km/h
Président-Kennedy (route 173) – sud
(Intersection Wilfrid-Carrier et Louis-H. Lafontaine)
2) Thetford Mines              Feux rouges        50km/h
Frontenac Est (route 112) – est
(Intersection Ouellet)
3) Lévis                         Cinémomètre fixe    100km/h
Collecteur Autoroute 20 Ouest
(Environ 1km avant la sortie pour le pont Pierre-Laporte)
4) Saint-G.-de-Beauce  Cinémomètre fixe    50km/h
Boulevard Lacroix (route 173) – sud
(Hauteur de l’intersection 114e Rue)
5) Beauceville                 Radar mobile     50, 70 et 90km/h
Route 173
(Entre la route du Golf et Notre-Dame-des-Pins)

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