Émissions automobiles: Mieux vaut entretenir... que guérir

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vendredi, 16 mars 2012
PIEVA? Habituez-vous à ce vocable: Programme d'inspection et d'entretien des véhicules automobiles. Car bientôt, cette inspection environnementale vous coûtera 60$. Voici de quoi il en retournera et ce, dès la fin 2013.

FICHE TECHNIQUE - PIEVA

Quoi: Programme d'inspection et d'entretien des véhicules automobiles.

De tels programmes existent actuellement dans 35 états américains et deux provinces canadiennes.

Les grandes lignes:

Dans une 1ère phase du PIEVA, l'inspection sera obligatoire pour tous les véhicules de huit ans et plus que les propriétaires souhaitent revendre. Au Québec, il circulerait sur nos routes quelque 1,5 million de véhicules de huit ans et plus.

Une 2e phase pourrait, quelques années plus tard, rendre l'inspection nécessaire pour tous les véhicules de huit ans et plus, systématiquement et à la grandeur de la province. Par contre, la plus importante cohorte automobile demeurerait intouchée: les véhicules de sept ans et moins constituent presque les deux tiers du parc automobile québécois.

On parle dans les couloirs d'une 3e phase incluant, un de ces jours, une inspection de sécurité (l'intégrité structurelle du véhicule, quoi). Mais rien n'est moins sûr: "De plus en plus d'états américains n'imposent plus cette inspection, parce qu'elle coûte trop cher," dit Marielou Gosselin, coordonnatrice de la Division des véhicules automobiles au ministère de l'Environnement (MDDEP).

Pourquoi:

En 2020, Québec veut avoir réduit ses gaz à effet de serre (qui contribuent au réchauffement planétaire) de 20% sous leur niveau de 1990.

Si on réussit collectivement ce tour de force, ça voudra dire que le Québec n'émettra annuellement, par habitant, "que" huit tonnes de CO2 par habitant.

Encore pourquoi :

Avec le PIEVA, Québec veut que les automobilistes adoptent des habitudes d'entretien. Et qu'ils réalisent à quel point un véhicule mal entretenu voit sa valeur de revente chuter - aussi vite que ne grimpe sa consommation en carburant.

Quand:

Actuellement en projet de loi. Cette loi, le Québec veut la faire adopter avant la fin de la session parlementaire. Elle donnera alors les pouvoirs requis au MDDEP.

Un projet de règlement sera ensuite présenté par le ministre Pierre Arcand et fera l'objet de consultations. Les organismes invités pourront déposer leurs mémoires.

Le règlement, avec toutes ses ficelles, devrait entrer en vigueur à la fin 2013 - 20 ans après l'entrée en vigueur du AirCare de la Colombie-Britannique et 12 ans après celle du Drive Clean de l'Ontario.

Comment:

Pour inspecter les émissions automobiles, Québec entend utiliser le test OBD-II, comme le font à peu près tous les programmes nord-américains.

Ce On Board Diagnostic lit les codes d'erreur à même l'ordinateur dont sont équipés tous les véhicules fabriqués depuis 1998. Une voiture qui pollue affichera un ou des codes d'erreur. Un autre test (le two-speed iddle) sera utilisé pour les véhicules fabriqués avant 1998.

Qu'est-ce qu'on mesure:

Par le biais de l'inspection, on s'assure que le système antipollution d'un véhicule respecte encore les normes d'émissions imposées au moment où il sortait de l'usine.

L'échappement d'une voiture émet plusieurs polluants: des composés organiques volatils (COV), du monoxyde de carbone (CO), de l'oxyde d'azote (NOx), des particules en suspension (PM) et du méthanal (formaldehyde) - tous des éléments qui contribuent au smog et, donc, nuisent à la santé.

De par la combustion du carburant dans son moteur, une voiture émet également des gaz à effet de serre (responsables du réchauffement de la planète), tel le dioxyde de carbone (CO2) et de l'oxyde nitreux (N2O). Une voiture récente, bien entretenue et qui parcourt annuellement 20 000km rejette quatre tonnes de CO2.

Ce qu'on sauvera:

Le MDDEP dit qu'en première phase du PIEVA, l'inspection de 450 000 véhicules (uniquement ceux de huit ans et plus et au moment de la revente) se traduira par 59 000 véhicules qui ne passeront pas le test.

Soit 13%.

Un chiffre particulièrement conservateur, si vous voulez notre avis, du moins pour les débuts du programme.

Car des études montrent que dans les régions nord-américaines sans programme, des tests-surprises font état d'un délinquant à chaque quatre véhicules - voire à chaque trois véhicules.

Le MDDEP estime que dès la première année du PIEVA, l'environnement sera épargné de 12 000 tonnes de CO2, ce qui équivaut à retirer 3400 véhicules de la route.

Encore là, ces chiffres sont conservateurs. En dix ans de programme, l'Ontario estime avoir enrayé 255 000 tonnes de CO2 - deux fois plus que les prévisions québécoises.

L'impact pour le consommateur:

Celui qui entretient sa voiture profite d'une meilleure valeur de revente, mais aussi d'économies en carburant au quotidien. Pierre Beaudoin, directeur des Services techniques chez CAA-Québec, estime à 15% les économies moyennes. Soit 350$ sauvés annuellement à la pompe pour une berline intermédiaire.

Le MDDEP estime qu'à sa 2e année, le PIEVA aura fait sauver aux automobilistes plus de 6$ millions en carburant.

À noter: celui qui voudra revendre sa voiture alors qu'elle a échoué le test... pourra le faire. Mais l'acheteur n'aura pas le droit de l'immatriculer, à moins de procéder aux réparations nécessaires.

Ce qu'on dit à mot couvert:

L'inspection devrait coûter 60$. En Caroline du Nord, un test semblable ne coûte que 22$.

Réponse du MDDEP: "Là-bas, ils font 4,5 millions de tests par année, dit la porte-parole, Marilou Gosselin. Pour la 1ère phase au Québec, on ne parle que de 450 000 inspections par année. Le jour où l'inspection touchera tout le monde, on pourra revoir son coût."

En Colombie-Britannique, l'inspection coûte 45$; elle coûte moins de 40$ en Ontario.

Ce qu'on retient d'ailleurs:

De plus en plus, les programmes américains - et celui ontarien, depuis septembre dernier - repoussent la première inspection à sept ans après l'année de fabrication automobile.

C'est qu'après une décennie, les gestionnaires se sont (plus ou moins) vite rendus compte que les vrais problèmes de pollution, c'est après cinq ou sept ans d'âge d'une voiture qu'ils se pointent.

En imposant l'inspection aux véhicules de huit ans et plus, le Québec sera le plus permissif en Amérique du Nord - et le seul à ne la commander qu'à la revente.

"On veut laisser le temps aux gens de s'habituer à entretenir, dit Mme Gosselin, du MDDEP. Et avant d'aller plus loin, nous souhaitons analyser les résultats d'une première année; on aura alors une bonne idée de la flotte et d'où se trouvent les problèmes."

Remarque: afin de tenir compte des véhicules antiques et de collection, ceux de plus de 25 ans (ils sont moins de 20 000 au Québec) ne seront pas touchés par ces mesures.

Ce qu'on ne retient pas:

La majorité des programmes d'inspection nord-américains cernent des régions métropolitaines. Par exemple, la Colombie-Britannique et l'Ontario ne visent que le sud de leur territoire, où sont concentrés 90% des véhicules immatriculés.

Le Québec, tout au contraire, étend son programme à l'ensemble de son territoire, du moins pour la 1ère phase qui ne vise que la revente.

Il faudra voir si une 2e phase, qui s'adressera à tous les véhicules de huit ans ou plus, n'aura pas intérêt à se concentrer uniquement sur les régions les plus urbanisées. Après tout, une voiture qui pollue à Montréal n'a pas le même impact environnemental qu'une voiture qui pollue à Gaspé ou à Val-d'Or.

Ce qu'on ne retient pas - encore:

La plupart des programmes d'inspection accordent aux véhicules pollueurs un laissez-passer après qu'ait été dépensé un montant maximum en réparations.

L'Ontario, par exemple, décrète qu'après 450$ investis dans la remise en état du système antipollution de son véhicule, un propriétaire peut à nouveau l'immatriculer - jusqu'au test suivant, deux ans plus tard. La Colombie-Britannique a fixé ce seuil à 600$ pour les véhicules d'année-modèle 1999 et plus récents.

Le Québec n'envisage pas de tels laissez-passer, puisque son programme ne touchera (d'abord) que les propriétaires qui changent de véhicules. "Ça reviendrait à octroyer un droit de polluer et ça diminuerait énormément l'efficacité du programme," dit Mme Gosselin, du MDDEP.

Mais encore: "Reste que quand le programme touchera tout le monde, des mesures semblables pourront être envisagées."

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