Émissions automobiles: Parlez-vous GES?

Dossiers
mercredi, 14 avril 2010
Parlez-vous GES? Comme dans: «Mon véhicule ne recrache pas plus de 153g/km de Gaz à Effet de Serre»? Il vous faudra vous habituer – et vite – à ainsi discourir en émissions polluantes plutôt qu’en consommation de litres de carburant. Parce que sous peu (c’est d'ailleurs déjà le cas au Québec depuis la mi-janvier), de nouvelles normes nord-américaines viennent serrer la vis (enfin, diront certains!) afin que nos choix automobiles soient plus respectueux de l’environnement.

Parce que sous peu (et comme c’est déjà le cas au Québec depuis la mi-janvier), de nouvelles normes nord-américaines viennent serrer la vis (enfin, diront certains!) afin que nos choix automobiles soient plus respectueux de l’environnement.

Ce n’était pas un poisson d’avril : au début du mois, un certain Barack Obama a annoncé que d’ici 2016, les véhicules neufs vendus aux États-Unis ne devront pas émettre plus de 250g/mile de CO2, ce principal gaz à effet de serre.

Le Canada a conjointement annoncé qu’il exigera sensiblement la même chose, en bon voisin harmonieux qu’il est. De ce côté-ci de la frontière, où l’on s’exprime en métrique, ça revient à un seuil imposé de 153gCO2/km pour 2016.

Pour les communs des mortels que nous sommes, cette limite de 153g/km est l’équivalent d’une consommation moyenne de 6,5L/100km.

Vrai que c’est petit, 6,5L/100km…

La Californie aura ouvert la voie

L’annonce est historique. À la suite des mandats élusifs de Bush, l’Amérique du Nord commence enfin à tordre des bras, automobilement parlant. Pour ce faire, elle ne réinvente pas le bouton à quatre roues (!) et elle s’inspire allègrement de ce qu’a mis en place la Californie. Cette même Californie qui, rappelons-le, s’est battue jusqu’en Cour suprême pour obtenir le droit de restreindre les émissions polluantes des véhicules vendus sur son territoire…

La nouvelle mesure peut se résumer à un seuil: un max de 250gCO2/mile pour 2016 pour les véhicules légers (camions et voitures). Dit plus simplement, les États-Unis viennent recouper le seuil déjà visé par la Californie pour 2016.

Une différence entre les deux réglementations, toutefois: l’état des Beach Boys y va de seuils intermédiaires (année après année) plus agressifs que ne le fait la nouvelle norme continentale. Mais bon, veut veut pas, nos voisins du Sud devront faire un effort de dépollution automobile de 40% au cours des six prochaines années.

Un effort de 25% au Canada

Au Canada, où l’on achète moins gros et où l’on retrouve la championne nord-américaine de la petite voiture – la province de Québec ! –, cet effort de réduction des gaz à effet de serre sera moins colossal. Actuellement, nos voitures neuves consomment en moyenne 7,1L/100km et nos camions légers, 9,5L/100km.

Il faudra en arriver à une amélioration de 25% d’ici 2016. Environnement Canada soutient qu’on aura alors réussi à épargner 28 milliards de litres de carburant.

Soit les trois quarts de ce que les Canadiens se procurent à la pompe chaque année – quand même!

Bye bye, V8…

Ça a marché en Europe, où les normes contre le réchauffement climatique (le CO2) sont définitivement plus sévères qu’ici. Soulignons cependant que l’Amérique, depuis 2008, se montre plus intransigeante que l’Europe quant à la qualité de l’air (là, on ne parle pas de CO2, mais bien de smog) et c’est pourquoi nous bénéficions déjà des motorisations diesel que l’on dit ‘propre’.

En Europe, disions-nous donc, la réglementation contre les gaz à effet de serre a fixé le seuil de 2016 à un tout petit 130g/km (5,5L/100km) pour les voitures. L’effort est considérable, si l’on tient compte du fait qu’à peu près seules les hybrides parviennent actuellement à émettre si peu.

Mais voilà : là-bas, on a fait la place belle aux technologies vertes, comme le « stop and go » (qui fait s’éteindre le moteur aux arrêts), les directions électriques, les transmissions à variation continue (CVT), la désactivation des cylindres.

Cette démocratisation des outils qui réduisent la gloutonnerie des véhicules, on la ressent déjà depuis un bon moment de ce côté-ci de l’Atlantique. Si vous êtes allé faire un tour dernièrement chez votre concessionnaire, vous avez vu que les V6 turbocompressés et à injection directe prennent tranquillement le pas sur les gros V8.

On assiste également à une vague de motorisations diesel qui, pour la même quantité de carburant, roulent jusqu’à moitié plus loin que les moteurs à essence. Enfin, les modèles hybrides sont de plus en plus nombreux en salle d’exposition et ce n’est qu’une question de temps avant que les Prius et Volt branchées de ce monde ne fassent leur entrée sur le marché.

Des menaces?

Bon, tout ça, c’est bien beau, mais ça risque de coûter un brin. Des chiffres avancés par l’EPA font état d’un coût moyen additionnel de 1000$ par véhicule pour que montent à bord des technologies qui permettent de respecter les nouvelles normes continentales de 2016.

Toutefois, l’organisation environnementale américaine soutient du même souffle que l’économie en carburant, sur cette période, laissera trois fois cette somme dans les poches des automobilistes.

Ça reste à voir, d’un côté comme de l’autre.

Historiquement, les constructeurs ont toujours dit qu’il leur serait impossible d’en arriver à des seuils comme ce qu’imposait la Californie (et, maintenant, l’Amérique au grand complet). Au cours de la dernière décennie, ces mêmes constructeurs ont néanmoins lancé des véhicules toujours plus puissants… et toujours moins gourmands.

Qui plus est, dans le marché hautement concurrentiel qu’est celui de l’automobile (et alors que certains joueurs se trouvent au bord du précipice), les prix d’étiquette n’ont pas augmenté de beaucoup.

Alors, permettez-nous de douter que les véhicules coûteront jusqu’à un millier de dollars de plus pour en arriver à émettre moins. D’autant plus que les petites voitures consomment déjà peu et, donc, ne nécessiteront pas un grand effort. Vrai qu’il faudra réduire la consommation des plus gros véhicules, mais qu’est-ce que seront quelques centaines de dollars de plus pour un utilitaire qui coûte déjà 40, voire 50 000$?

Et Québec, dans tout ça?

Petit retour en arrière. À la fin décembre, Québec a lancé une bombe « après-Copenhague » : la Belle Province annonçait qu’elle s’alliait aux normes californiennes d’émissions des véhicules, normes les plus sévères du continent. Et elle entendait le faire très rapidement.

Et rapidement elle a fait : ses nouvelles normes sont en vigueur depuis le 14 janvier dernier et elles s’appliquent déjà aux véhicules d’année-modèle 2010. À titre de comparaison, sachez que le Canada n’en est qu’à un projet de règlement pour contrer les émissions polluantes automobiles et que l’application de ces normes ne devrait se faire, si tout va bien, qu’à l’année-modèle 2011.

On aurait pu penser que Québec retirerait son règlement pour se rallier aux nouvelles normes continentales, mais non. Oh, vrai que le Québec se rallie. Même qu’il a crié victoire après l’annonce américano-canadienne du 1er avril dernier.

Mais il ne fait pas marche arrière pour autant.

En effet, la ministre du Développement durable et de l’Environnement, Line Beauchamp, dit maintenir sa réglementation. Son attaché-presse, Dave Leclerc, a toutefois déclaré que les constructeurs automobiles auront le choix de se conformer à l’une (québécoise) ou l’autre (fédérale) des réglementations en vigueur chez nous.

Mark Nantais, président de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV), se dit soulagé qu’enfin, il n’existe qu’une seule norme continentale. Mais il souhaite quand même que le Québec retire sa réglementation, au lieu de jouer sur deux tableaux : « Entretenir deux systèmes qui mèneront au même point en 2016, c’est inutilement complexe et ça ne fait pas de sens, » soutient-il.

Premières amendes… dans cinq ans

Un peu comme pour la Californie versus les États-Unis, la réglementation québécoise parviendra sensiblement au même seuil (150g/km) en 2016 que le Canada, mais elle y parviendra avec des paliers intermédiaires plus agressifs.

Déjà, cette année, les constructeurs automobiles doivent réaliser un effort moyen de 7% en réduction des émissions de CO2 afin de respecter la limite québécoise 2010 de 187gCO2/km (l’équivalent de 8,2L/100km).

Certains constructeurs rient sous cape – les Japonais, entre autres – puisqu’ils n’auront pas à faire de grands miracles pour respecter ce premier seuil (voir nos tableaux Qui boit quoi).

Par contre, d’autres s’exposent déjà à des amendes, dit Mark Nantais, de l’ACCV. Amendes… qui ne seront payables que d’ici cinq ans. En effet, le règlement québécois laisse la chance au coureur afin qu’il puisse compenser, au fil des prochaines années, avec un bilan amélioré ou l’achat de crédits.

Sinon, ça risque de coûter cher : les amendes québécoises seront proportionnelles aux dépassements et pourraient atteindre un maximum de 5000$ par véhicule.

L’histoire ne dit pas encore si les constructeurs, qui pourront choisir de respecter la norme québécoise ou la norme fédérale, pourront aussi choisir de s’en remettre aux pénalités fédérales… Ces dernières devraient prendre la forme de crédits fixés à 20$ la méga-tonne de CO2.

5000$ par véhicule? Ben voyons…

Pas de panique, pas de panique : rares, sinon aucun constructeur ne sera taxé au maximum, au Québec. Pour ce faire, il ne lui faudrait vendre que des véhicules énergivores, aucune petite voiture compensatoire.

Et il lui faudrait alors en vendre des masses, de ces véhicules gloutons. En effet, sont exemptés de la réglementation québécoise, du moins jusqu’en 2016, les constructeurs qui écoulent annuellement moins de 12 000 véhicules dans la Belle Province.

On parle ici de BMW, Jaguar/LandRover, Mitsubishi, Mercedes, Subaru, Suzuki, Volvo. Évidemment, Porsche, Ferrari et Lamborghini sont bien en dessous de cette marque.

Par contre, après 2016, tout ce beau monde-là devra sans doute se conformer. Ou sinon, il devra payer pour ses excès!


Normes projetées canadiennes                Équivalent en
(alignées sur les normes américaines)  consommation/carburant
2010       ---                                                                 ---
2011      190g/km                                                8,1L/100km
2012      184g/km                                                7,8L/100km
2013      179g/km                                                7,6L/100km
2014      173g/km                                                7,3L/100km
2015      165g/km                                                7,0L/100km
2016      153g/km                                                6,5L/100km


Qui boit quoi? (Voitures) - Selon Transport Canada
Marques        Nouvelles voitures 2008
Toyota            6,2 L/100km
Honda            6,5 L/100km
Hyundai          6,6 L/100km
Nissan            7,0 L/100km
Moyenne :       7,1 L/100km
Mazda            7,1 L/100km
Kia                 7,2 L/100km
Suzuki            7,2 L/100km
GM                 7,3 L/100km
Chrysler          7,4 L/100km
Ford                7,7 L/100km
Mitsubishi        7,9 L/100km
Volkswagen     7,9 L/100km
Mercedes        8,0 L/100km
Subaru            8,1 L/100km
Volvo               8,3 L/100km
BMW              8,4 L/100km
Porsche          8,9 L/100km
Jaguar             9,7 L/100km
Aston Martin   12,3 L/100km
Maserati         12,8 L/100km
Ferrari            14,4 L/100km

Qui boit quoi? (Camions) - Selon Transport Canada
Marques        Nouveaux camions 2008
Mazda            8,5 L/100km
Subaru           8,6 L/100km
Nissan           9,1 L/100km
Chrysler         9,2 L/100km
GM                9,3 L/100km
Honda            9,3 L/100km
Hyundai          9,3 L/100km
Mitsubishi       9,3 L/100km
Moyenne        9,5 L/100km
Kia                 9,5 L/100km
Toyota            9,7 L/100km
Suzuki           9,8 L/100km
Ford               9,9 L/100km
Mercedes       9,9 L/100km
BMW            10,2 L/100km
Volvo             11,0 L/100km
Porsche         11,7 L/100km
Volkswagen    11,8 L/100km
Land Rover     12,0 L/100km

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