La Smart débarque (enfin) aux États-Unis

Dossiers
samedi, 8 mars 2008
Cinq ou six Smart trônent dans un stationnement anonyme de West Palm Beach, en Floride. Dans le bâtiment adjacent, sans adresse ni panneau publicitaire, se trouve une salle d’exposition moderne mais dénudée. Deux "spécialistes de la marque" y répondent aux questions sur la Smart et proposent des essais routiers. Beaucoup de beaux discours, mais... rien à vendre.

La raison en est fort simple : ils n’ont pas de Smart à vendre.

En effet, celles sur place – et les autres qui suivront au cours des prochains mois – sont déjà toutes réservées. Ceux qui souhaitent s’en procurer une se font donc dire de patienter au moins jusqu’à la fin 2008, peut-être même jusqu’au début 2009.

C’est du jamais vu, une telle liste d’attente, du moins pour une petite voiture.

Plus de trois ans après l’arrivée de la Smart au Canada, les États-Unis, terre du gros utilitaire gourmand en carburant, accueillent enfin la micro-voiture de fabrication européenne.

Les premières livraisons ont débuté le 16 janvier dernier – la première Smart, une Fortwo Cabrio Passion de couleur rouge, a été remise à Englewood au New Jersey, à Nicholas Goddard, un jeune homme de 20 ans qui habite Manhattan.

Si Goddard est l’heureux propriétaire d’une Smart, c’est qu’il en a fait la réservation il y a près d’un an. En effet, avant l’arrivée officielle de la marque aux États-Unis, avant même l’implantation du premier concessionnaire, Smart invitait les Américains à réserver leur voiture par le biais d’Internet, moyennant un dépôt remboursable de 99$.

Pas moins de 30 000 Américains ont répondu à l’appel, dit Smart USA.

Nul ne peut dire quel pourcentage de ces 30 000 réservations se transformera en ventes réelle et confirmées. Une chose est sûre, cependant : Smart n’entendait pas distribuer autant de véhicules à sa première année en sol américain,

L’avenir est aux petites

Torrence Miller est déçu. Ce jeune résidant de Boca Raton, au sud de West Palm Beach, était venu faire l’essai de la Smart avec l’intention de l’échanger contre sa Mazda3. Aujourd’hui, pas dans un an.

Il lui faudra toutefois patienter de longs mois…

Qu’est-ce qui l’attire, dans la micro-voiture ? « Son prix (à partir de 11 599$ aux États-Unis) et son économie d’essence, nous confie-t-il. Et aussi parce que la Smart me permettra de prouver que l’avenir est aux petites voitures. Je suis un environnementaliste et j’en ai marre de voir circuler, ici, les gros Hummer et les Cadillac Escalade. C’est une telle aberration que j’ai même pensé déménager en Europe. »

Deux autres hommes, cette fois dans la trentaine, entrent à leur tour dans la salle de montre Smart. Leurs questions, nombreuses, portent sur la sécurité, la consommation en carburant (réponse : 5,4L/100km), la puissance, le fonctionnement du toit décapotable.

La « spécialiste de la marque » Dawn Failla leur répond presque nonchalamment – pourquoi mettre de la pression, quand on n’a rien à vendre, de toute façon?

Parfaite pour le yacht…

Le grand patron des communications chez Smart USA, Ken Kettenbeil, soutient que le flux de visiteurs chez les nouveaux concessionnaires américains Smart est incessant. Et ce, même si aucune, absolument aucune publicité n’a été faite. Et dire que ces salles de montre n’exhibent qu’un seul modèle de véhicule, et un tout petit de surcroît…

Selon M. Kettenbeil, la clientèle de Smart provient de toutes les couches de la population – un phénomène que le Canada a également expérimenté. « Il y a les acheteurs d’un premier véhicule qui trouvent le prix abordable, puis ceux qui recherchent un véhicule facile à stationner. Il y a les Baby Boomers qui veulent un deuxième ou un troisième véhicule, et ceux qui ont fini d’élever leur famille et qui n’ont plus besoin d’une banquette arrière. Il y a encore ceux qui veulent être les premiers à rouler en Smart, et les ‘verts’ qui priorisent l’économie d’essence. »

«Et il y a ceux qui ont découvert que la Smart est le petit véhicule idéal pour tenir sur leur gros yacht…» ajoute Dawn Failla.

La dernière pièce du casse-tête

Pour l’heure, une soixantaine d’établissements Smart (les deux tiers étant rattachés à des concessionnaires Mercedes) sont répartis à travers 31 états – notamment 10 en Californie et huit en Floride. C’est Penske, un géant américain de la vente automobile et de la location de camions, qui a été chargé de mettre en place le réseau de distribution américain.

Le grand patron du groupe, Roger Penske, collabore d’ailleurs de façon rapprochée avec les Canadiens parce que, affirme le président de Mercedes Canada, Marcus Breitschwerdt, « nous avons prouvé que ça pouvait marcher – et bien, de surcroît. Nous avons aussi renversé la croyance qui dit que ‘petites voitures’ égalent ‘petits profits’. Nous avons au contraire démontré que la Smart pouvait se traduire par des marges très acceptables pour les concessionnaires. »

Quels sont les conseils que M. Breitschwerdt a glissés dans le creux de l’oreille de M. Penske ? « Qu’il était important de positionner la Smart pour ce qu’elle est, dit le président canadien. Non pas comme une voiture d’entrée de gamme, mais bien comme une voiture ‘premium’. Après tout, la Smart est un chef-d’œuvre de design, de technologie et de sécurité, tout ça exécuté dans un si petit format. »

Si les États-Unis ont décidé de joindre le pas « Smart », c’est indéniablement parce que le Canada y a trouvé son compte : «  Il est clair que l’expérience canadienne a été la dernière pièce du casse-tête américain et qu’elle a servi à convaincre que c’était faisable, » dit Denis Bellemare, directeur régional chez Mercedes Canada pour l’est du pays.

Ce dernier croit que le marché américain pourra facilement écouler 50 000 Smart par année.
C’est l’usine Smart de Hambach, en France, qui sera contente de ces commandes supplémentaires…


Smart Fortwo : lancée sur le marché européen en 1998, la micro-voiture est aujourd'hui vendue dans 36 pays – 850 000 exemplaires ont mondialement été cédés en dix ans.

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