L'automobile en pleine crise: de bonnes affaires, mais...

Dossiers
lundi, 23 mars 2009
C’est un fait : jamais le prix des automobiles n’a été aussi intéressant au Canada. Les promotions sont de l’ordre du jamais vu et les inventaires débordent. Jamais l’acheteur d’un véhicule n’aura fait d’aussi bonnes affaires. À condition, cependant, d’éviter les pièges…

L’an dernier, avec notre dollar à parité, les constructeurs avaient dû revoir à la baisse leurs prix automobiles canadiens. Notre devise a chuté de 20% depuis, mais la crise financière a toutefois empêché la note de remonter – tant mieux pour nous.

Aussi, les promotions, déjà fort alléchantes ces dernières années, le sont encore plus. Du 0% d’intérêt pour la Toyota Corolla ? C’est du jamais vu – même si le terme est court (36 mois). Tout comme cette Mercedes Classe C «en location pour le prix d’une berline intermédiaire japonaise», fait remarquer George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA).

Pour couronner le tout, les inventaires débordent – jusqu’à deux fois plus qu’en temps normal, soutient la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec (CCAQ). On assiste littéralement à des ventes de feu.

Bref, l’acheteur automobile n’a jamais eu aussi bon jeu.

Le hic… c’est qu’il n’achète pas. Depuis le début de l’année au Canada, les ventes ont chuté de 27%. Presque tous les constructeurs y goûtent, les plus touchés étant GM avec un  effarant -52% et, oh surprise, Honda avec -41%.

La Civic, pourtant la voiture plus vendue au Canada depuis une décennie, a vu ses ventes s’effondrer de moitié, ce qui la déclasse du sommet du « Top Ten » – par la Mazda3 et la Corolla, pour ceux que ça intéresse.

Selon les experts, une telle déconfiture chez Honda est attribuable à une absence de promotions intéressantes, pendant que d’autres comme Hyundai enfonçaient la pédale des rabais. Résultat pour ce dernier constructeur coréen : une vertigineuse hausse de 25%, malgré un marché des plus difficiles.

Publicités trompeuses, manœuvres douteuses

S’il est temps d’acheter plus que jamais, le consommateur doit néanmoins rester prudent : « Je n’ai jamais vu autant de publicités trompeuses ou douteuses », dit M. Iny.

Du « deux pour un » payable à la semaine pendant 96 mois… soit pendant huit ans? « Ce n’est pas ainsi qu’on va renouveler le parc automobile, » regrette Jacques Béchard, le pdg de la CCAQ.

«C’est grossier, cette ‘mini-pothèque’,» s’indigne M. Iny, qui recommande au passage d’éviter les «deux pour un», les paiements à la semaine et les mises de fonds à la location.

Si on analyse l’offre de certains concessionnaires GM de la région métropolitaine, on réalise qu’au bout du terme de huit ans, une fourgonnette Chevrolet Outlander (à 14 995$) et une sous-compacte Aveo (à 9 995$) auront coûté, à raison de 119$ par semaine… un grand total de 49 504$. Soit autant en intérêts que le prix des deux véhicules!

Aussi, attention aux manœuvres des représentants aboutissant à de coûteux extras : « Nous constatons une présence et une pression accrue pour des produits comme le marquage antivol et les garanties prolongées, déplore M. Iny. Mieux vaut se procurer ces produits ailleurs que chez le concessionnaire. »

Le président de l’APA suggère aux consommateurs de consulter les sites Internet des constructeurs avant de se rendre en concession, question de vérifier le prix du véhicule et de ses options. L’association peut aussi, moyennant un abonnement annuel de 65$, dévoiler le prix coûtant d’un véhicule, ce qui permet au client de calculer la marge de profit du concessionnaire – que l’on dit d’ailleurs très petite ces temps-ci.

Chrysler et GM: acheter ou ne pas acheter ?

Une grande question demeure en cette période automobile troublée : « Doit-on– ou non – acheter du GM ou du Chrysler? »

Aucun des experts interrogés ne dit franchement non – après tout, les rabais chez ces marques sont monstres ! Mais aucun ne dit franchement oui non plus.

Certes, on soutient qu’en cas de faillite, il y aura toujours des pièces de « jobber » pour les Chevrolet, Pontiac, Chrysler, Dodge et Jeep de ce monde.

Par contre, on suggère d’éviter les divisions Saab, Hummer, Buick, Saturn et Pontiac (chez GM), des marques appelées à être prochainement vendues ou fermées. « La Saturn Astra, par exemple, risque un approvisionnement difficile en pièces de rechange puisqu’elle est assemblée en Europe, » prévient M. Iny.

Dommage, parce que la petite voiture avait littéralement ravi notre cœur dans ces pages, l’automne dernier.

Dommage, dit plus généralement Dennis DesRosiers, le gourou canadien de la statistique automobile, « parce qu’actuellement, GM produit les meilleurs véhicules de toute son histoire. »

Attention au financement

Tant pour les véhicules GM que Chrysler, l’Office pour la protection du consommateur déconseille de payer comptant, par prêt personnel ou en hypothéquant sa résidence.

L’OPC recommande plutôt la location à long terme ou la vente à tempérament – c'est-à-dire avec un financement qui lie, jusqu’au terme du contrat, l’acheteur à son créancier.

En effet, la Loi sur la protection du consommateur est claire : parce que le financier est propriétaire du véhicule jusqu’au dernier paiement, il a les mêmes obligations que le constructeur quant à la garantie et ce, jusqu’à concurrence du montant de la créance.

À ce chapitre, on peut se rappeler la faillite de Daewoo au tournant du millénaire : Mercedes Crédit avait repris les créances du Coréen et assuré, jusqu’à la conclusion des contrats, toutes réparations sous garantie.

Attention, cependant : advenant une faillite de GM ou de Chrysler, les véhicules verraient leur valeur de revente prendre un sérieux coup.

Par contre, comment ne pas prendre le risque quand on voit, chez Chrysler notamment, des rabais qui ont doublé, voire triplé versus l’an dernier : 2570$ sur le Jeep Compass (contre 750$ en mars 2008) ou, pour la Chrysler 300, presque dix mille dollars?!?


Vers des fermetures

Jacques Béchard, pdg de la CCAQ :
«Je suis gestionnaire de la CCAQ depuis 25 ans et jamais je n’ai vu de contexte aussi difficile pour nos concessionnaires. Si les ventes ne reprennent pas en mars et en avril – historiquement deux mois importants pour l’automobile –, nous ferons face à de plus grandes difficultés encore. Lors de la crise économique du début des années 80, alors que les taux d’intérêts plafonnaient à presque 20%, quelque 125 concessionnaires avaient fermé leurs portes au Québec. »

La vraie aubaine : le retour de location

George Iny, président de l’APA:
« Les véritables aubaines, elles se trouvent dans ces nombreux ‘retours de location à long terme’, l’année 2005 ayant été une année record pour la location automobile au Québec. »

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