SUV: c'est le temps d'acheter!

Dossiers
samedi, 11 octobre 2008
Comme pour la bourse, il n’est surtout pas temps de liquider son utilitaire sport ou sa camionnette. Vrai qu’avec la hausse du prix de l’essence, les automobilistes sont tentés de se débarrasser de leur camion. Mais ils sont vite freinés par des valeurs de revente qui, ces derniers mois, ont drastiquement chuté. Pour tout dire, il est davantage le temps d’acheter que de vendre…

Dur, dur de conduire un camion, par les temps qui courent. Le prix de l’essence (1,38$ en moyenne cet été au Québec) fait que le passage à la pompe est un traumatisme qui peut coûter jusqu’à 175$ le plein.

Ceux qui travaillent avec leur camion n’ont pas le choix d’absorber cette hausse de plus du tiers en deux ans. Ils lèvent le pied, cependant. DesRosiers Automotive Consultant a découvert que les conducteurs de camions légers roulent en moyenne de 1000 à 1500 kilomètres de moins cette année, comparé à 2006.

Certes, il y a ceux qui ont les moyens de donner à boire à leurs camions. « Pour ceux-là, le coût en carburant demeure une petite partie de leur budget, soit environ 2%, » dit George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA).

Reste que d’autres n’en peuvent plus de « sortir des bruns » à la pompe. Si ceux-là ont récemment voulu se départir de leur camion, ils ont vite découvert qu’ils n’en obtiendraient pas grand-chose : la valeur de revente de ce type de véhicules a substantiellement chuté, cette année.

Impossible pour les experts à qui nous avons parlé d’établir un portrait fidèle de cette dévaluation. «Trop de facteurs entrent en ligne de compte, comme la marque, l’âge du véhicule, son kilométrage, son niveau d’équipements,» explique Geoff Helby, du bureau torontois de J.D. Power and Associates.

M. Helby s’est néanmoins penché sur l’exemple d’un Ford F-150, le camion le plus vendu au Canada. À l’été 2007, une version XLT (V8 de 4,6L et 4x4) vieille de trois ans se vendait 23 534$. Cet été, la même version vieille de trois ans s’écoulait pour à peine 17 446$. Soit une perte de plus de 6000$.

Voilà qui fait dire à nos experts que pour 6000$, on peut en faire, du chemin. L’APA a fait le calcul pour nous.

En tenant compte du litre d’essence qui a coûté 0,31$ de plus cet été (comparé à l’été dernier) au Québec, le F-150 qui consomme en moyenne 14L/100km pourra rouler, avant que sa récente dépréciation n’égale l’augmentation du prix de carburant, quelque 138 243 kilomètres.

À raison de 30 000 kilomètres par année, et à condition que le prix de l’essence se maintienne, ce F-150 mettra donc 55 mois, soit tout près de cinq ans, à compenser la dépréciation de la dernière année.

Autrement dit, il faudrait que le prix de l’essence grimpe pas mal plus pour renverser la vapeur…

C’est l’unanimité parmi tous ceux que nous avons interrogés: dans la majorité des cas, mieux vaut conserver son camion, même s’il coûte cher à la pompe. «Pour la presque totalité des automobilistes, la perte de valeur de leur camion excédera le montant à économiser sur la dépense en carburant,» résume George Iny, de l’APA.

Une seule exception, selon lui : «Les gens qui font beaucoup, beaucoup de kilométrage et qui roulent dans un utilitaire vieux de plusieurs années ont avantage à se tourner vers la petite voiture économique. Un livreur autonome pourrait, par exemple, économiser 60$ en carburant par semaine, soit 3000$ par année, ce qui pourrait supplanter la perte de valeur de son vieux Suburban ou Explorer.»

La forte dépréciation des camions n’est pas que liée au prix de l’essence. Elle est aussi tributaire du prix des véhicules neufs. Depuis un an, en raison de la presque parité du dollar canadien, le prix du neuf a diminué, en plus de s’accompagner de taux promotionnels et de rabais plus alléchants les uns que les autres. Des pneus d’hiver, avec ça? Et que diriez-vous d’une carte-cadeau d’essence?

Le camion usagé en prend donc pour son rhume. Comme pour la bourse ces temps-ci, il n’est plus un marché de vendeurs, mais bien d’acheteurs. Jamais le consommateur qui recherche un utilitaire ou une camionnette d’occasion n’aura fait autant de bonnes affaires. « C’est extraordinaire, s’exclame M. Iny. J’ai récemment vu un Jeep Grand Cherokee 2005 ultra équipé avec 80 000km au compteur pour 16 500$. Neuf, ce véhicule-là valait 50 000$ il y a trois ans! »

Un autre élément vient faire pencher la balance : si la valeur des camions usagés a chuté de plusieurs milliers de dollars, c’est tout le contraire qui s’est produit du côté des véhicules compacts. Chez Adesa, le plus important encanteur d’automobiles au pays, Daniel Demers, directeur marketing, a remarqué une hausse de la demande – et donc de la valeur – pour les petites voitures économes en carburant.

Ce qui le fait s’interroger : « Est-ce qu’il vaut la peine de vendre son camion pour plusieurs milliers de dollars en moins, afin d’acheter une petite voiture qui demande le gros prix? »

Chez CAA-Québec, le porte-parole Philippe Saint-Pierre rappelle qu’au Québec, les automobilistes roulent déjà dans de petits véhicules. Et que ceux qui conduisent des camions sont nombreux à le faire par nécessité. George Iny, de l’APA, confirme que le phénomène est moins marqué ici qu’ailleurs : « Le virage à contresens du gros camion est moins brutal au Québec. De fait, nous notons un virage beaucoup plus marqué chez les gens qui font appel à nos services à nos bureaux de Toronto. »


Pas que le prix de l’essence

Geoff Helby, de J.D. Power and Associates, soutient que le prix de l’essence n’est pas l’unique raison qui a fait chuter la valeur de revente des camions usagés. Quatre autres facteurs ont aussi eu de l’influence :

  1. Ces dernières années, la location a représenté deux transactions sur cinq au Canada. C’est dire qu’à chaque année, un important volume de véhicules de plus ou moins quatre ans «reviennent» de location pour gonfler l’offre, faisant pression sur les prix.
  2. Avec le dollar canadien presque à parité avec l’américain, les marchands américains de véhicules usagés, autrefois si désireux de faire des affaires d’or aux encans canadiens, se font désormais très rares. C’est même le phénomène inverse qui se produit : les marchands canadiens sont nombreux à magasiner au sud de nos frontières.
  3. La situation économique instable des derniers mois fait que l’accès au crédit se resserre. « Les banques demandent plus de garanties et prêtent moins d’argent, » dit M. Helby.
  4. Le prix des véhicules neufs a baissé au cours de la dernière année. Et les promotions sont plus alléchantes que jamais. « On voit même du 0% d’intérêt sur six ans! Les véhicules neufs n’ont jamais été aussi abordables, alors pourquoi les consommateurs achèteraient-ils usagé ? »

Ils ont dit :
« Il y a des stratégies intermédiaires à la vente à perte de son camion. Le co-voiturage, par exemple : une journée de co-voiturage par semaine fait économiser 20% de sa consommation en carburant. »

George Iny, président de l’APA


Type de véhicules                 Différence 2006-2008
                                                kilométrage moyen/an

Utilitaire intermédiaire                -1141km
Utilitaire pleine grandeur           -1282km
Utilitaire de luxe                         -865km
Camionnette compacte             -1054km
Camionnette pleine grandeur   -1294km
Fourgon                                    -1581km
Fourgonnette                            -1141km
Données : DesRosiers Automotive Consultant


Ventes automobiles au Canada – 2008 (janvier à septembre)
Véhicules vendus: 1 313 631, en hausse de 1,4% (comparé à la même période en 2007)
Ventes de voitures: en hausse de 7%. Parts de marché : 56%
Ventes de camions: en baisse de 5%. Parts de marché : 44%

 

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