Think Pink, s'tie...

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dimanche, 25 avril 2010
Discriminatoires? Sexistes? Ségrégatifs? Du machisme, mais à l’eau de rose? Depuis leur apparition à Londres il y a cinq ans, les Taxis Roses ont droit à plus que leur part de critiques. Mais ces taxis conduits par des femmes pour des femmes ne cessent de gagner en popularité à travers la planète. Dubaï, Puebla, Beyrouth, au Caire… À quand Montréal? Sans doute jamais…

Dubaï, Puebla, Beyrouth, au Caire… À quand Montréal? Sans doute jamais…

Les premiers Pink Cabs, on les doit à deux mères de famille britanniques qui ont, un jour de 2005, décidé que leurs adolescentes seraient dorénavant en sécurité lorsqu’elles prendraient un taxi. Il faut dire que dans la capitale anglaise, une dizaine de femmes sont agressées à tous les mois par des pseudo-chauffeurs.

Du coup, les légendaires taxis noirs aux allures rétro ont eu de la concurrence: celle des Renault Kangoo peintes en rose éclatant. À leur bord, que des femmes – les hommes ne sont les bienvenus que s’ils accompagnent une dame.

La course, on la réserve à l’avance, le tarif est débité par Internet et le taxi prévient de son arrivée par texte-message. Ainsi, la cliente peut sagement attendre dans le confort de son antre, plutôt que de poireauter dangereusement au coin de la rue. Les femmes d’affaires qui débarquent à l’aéroport ou les festives qui rentrent un peu trop tard sont également des mordues du service.

La formule s’est développée au fil des années pour offrir des rabais dans les magasins, des réductions pour des voyages et même des activités sociales. Mais la formule, elle s’est surtout développée dans d’autres villes, où elle commence à prendre une telle ampleur qu’elle suscite les critiques.

87 viols dans des taxis

Puebla, quatrième ville en importance au Mexique, avec ses 1,5 million d’habitants. À quelques kilomètres de là, la capitale Mexico enregistrait en 2008… 87 viols de femmes commis par des chauffeurs de taxi. Ça, se sont uniquement les viols déclarés.

Les Taxis Rosas ont fait leur apparition l’an dernier, munis d’un système de navigation, d’un bouton d’alerte sous le volant qui communique directement avec la police, de même qu’un terminal bancaire; avec moins de dineros à bord, on réduit les risques d’agression pour vol.

Les Taxis Rosas connaissent un succès retentissant auprès de ses dames, même s’ils chargent 10% plus cher qu’une course classique. Non seulement les clientes s’y sentent plus en sécurité, mais elles aiment aussi le fait qu’elles ne sont plus en butte à l’harcèlement sexuel des chauffeurs, voire simplement à leurs regards insistants lancés dans le rétroviseur.

Mais les Taxis Rosas ont soulevé les reproches. Pour certains, l’initiative renforce l’idée que la femme est vulnérable et qu’elle a besoin de protection, alors que d’autres désapprouvent ce qu’ils jugent discriminatoires, dans une époque où les femmes elles-mêmes luttent pour l’égalité des sexes. Beaucoup d’hommes avouent cependant qu’ils aiment bien savoir leur conjointe, leur sœur ou leur mère en sécurité dans un Taxi Rosa

Effet secondaire: la liberté

Les critiques sont encore plus virulentes au Moyen-Orient où, curieusement, les Pink Taxis font plus d’émules qu’ailleurs : au Caire, à Téhéran, à Beyrouth… La capitale du Liban a ses Taxis Banat (taxis pour femmes) pilotées par des chauffeures depuis un an, maintenant.

Au départ, la directrice du service, Nawal Yaghi Fakhri, a cru qu’il lui serait difficile de recruter des employées. Après tout, peu de femmes conduisent au Liban. Surprise : les demandes ont afflué. Une belle façon de créer de l’emploi…

Mais dans un pays où la principale religion limite beaucoup les femmes, les critiques aussi, ont afflué. Mme Fakhri a défendu son entreprise dans Le Monde : « Je n’ai pas créé ces taxis pour les femmes que leur mari empêche de sortir et de prendre des taxis, généralement conduits par des hommes, » a-t-elle confié au Monde. Non, soutient-elle, elle a lancé ce service pour assurer la sécurité de la clientèle féminine. « Même que des taxis roses, il devrait y en avoir dans le monde entier! » s’exclame-t-elle.

Rose bonbon et trousse à manucure

Dans le monde entier? Pas encore, mais l’idée fait son chemin. À Moscou, les taxis roses vont même jusqu’à se transformer, lorsque nécessaire, en « auto-nounous » afin de ramener les petits de l’école ou de leur activité sportive. Besoin de faire livrer des fleurs? Des médicaments? Pas de problème, les taxis roses sont là, prêts à parcourir quelques kilomètres en extra pour satisfaire la clientèle féminine.

D’ailleurs, ces taxis moscovites réservés aux femmes proposent, à leur bord, des écrans diffusant des vidéoclips de chanteurs russes. À Mumbai et à Delhi, en Inde, les taxis For-She ne sont peut-être pas roses (ils sont argent et blancs), mais ils disposent de grands miroirs et de trousses à manucure.

À grands coups de stéréotypes? Peut-être, mais les femmes adorent.

Montréal : ce sont les chauffeurs qui sont agressés!

Alors, à quand des taxis roses dans la métropole montréalaise?

N’y comptez pas.

D’abord, le Québec n’a rien à voir avec le Mexique où six femmes sont assassinées à l’heure. De fait, à Montréal, les femmes se sentent souvent plus en sécurité dans une voiture-taxi… que le chauffeur lui-même. Les manchettes rapportent d’ailleurs régulièrement des agressions envers les chauffeurs. L’an dernier, c’est même par une femme qu’un chauffeur de taxi a été poignardé.

Mais des femmes attaquées par des chauffeurs de taxi? Dominique Roy, président de Taxi Diamond, le plus important regroupement de taxis de la métropole, dit ne se souvenir d’aucun événement du genre.

Selon lui, ce bilan positif est attribuable à la sévérité de la réglementation gouvernementale en place. « Si un client se plaint d’avoir été agressé par un chauffeur, ce dernier perd carrément sa job, » dit M. Roy. De fait, des chauffeurs voient leur permis suspendu pour des motifs pas mal plus légers : le manque de courtoisie, par exemple.

Une réglementation aussi stricte a ses bons côtés, mais elle a aussi son revers de médaille : elle interdirait une éventuelle implantation de taxis destinés exclusivement aux femmes. En effet, la loi québécoise est claire : un chauffeur ne peut refuser un client. Un taxi rose ne pourrait donc refuser d’embarquer un client masculin…

Pour l’heure, le problème ne se pose pas. À ce jour, aucune demande n’a été déposée au Bureau du taxi de Montréal pour des taxis roses.

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