Volks: 8 étonnantes révélations qui changeront l'industrie

Dossiers
mercredi, 7 octobre 2015
Il y aura trois semaines vendredi, a éclaté le plus grand scandale automobile de la décennie - et l'un des plus grands scandales corporatifs de l'heure. Retour sur les (étonnantes) révélations qui transformeront l'industrie.

Au-delà des enquêtes et investigations lancées par les autorités aux quatre coins de la planète; au-delà des ventes de véhicules Volkswagen temporairement stoppées; au-delà des recours collectifs qui se multiplient à la vitesse grand V…

… le scandale automobile qui s’inscrira dans l’histoire comme le DieselGate a fait la lumière non seulement sur l’ampleur de la tricherie de Volkswagen, mais également sur la complaisance des constructeurs, sur l’hypocrisie des gouvernements, voire sur la (dangereuse) indifférence à l’égard des (pourtant nombreux) signaux d’alarme lancés ces dernières années sur le Vieux Continent.

1) L’auto-certification: fin de la récréation

L’une des grandes révélations du Das Skandal est le fait qu’en Europe, les tests d’émissions et de consommation (le NEDC, pour New European Driving Cycle) sont effectués par des agences de certification sélectionnées par les constructeurs… et dont 70% des revenus proviennent justement de ces clients automobiles.

Malgré ce conflit d’intérêt évident, aucune autorité ne vérifie les prétentions. Pareil laxisme frise la farce – pas surprenant que Volkswagen l’ait considéré comme telle.

Mais la récréation est terminée et le Vieux Continent pourrait prendre exemple sur les États-Unis: les constructeurs y testent eux-mêmes leurs véhicules, mais doivent ensuite soumettre leurs résultats à l’Environmental Protection Agency (EPA).

Cette dernière se réserve le droit d’effectuer des contrôles ponctuels – ce qu’elle dit faire pour 15% des modèles. C’est d’ailleurs ainsi qu’ont été mises à jour les consommations trop optimistes chez Ford et Hyundai.

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2) Des «flexibilités» trompeuses – mais légales

Il y a la flagrante tricherie TDI de Volkswagen, si désireux de déclasser Toyota au rang de plus important constructeur automobile mondial, et le temps nous dira si d’autres ont utilisé pareil subterfuge afin de clamer des émissions polluantes respectant les normes – en laboratoire, du moins.

Au-delà de cette manoeuvre tout à fait illégale, la procédure européenne NEDC dispose de failles béantes permettant de déjouer le système. Voici quelques échappatoires que les constructeurs utilisent à leur avantage – autant pour les véhicules diesel que pour ceux à essence:

  • Procéder aux tests avec une batterie pleine charge, de sorte que l’alternateur puisse être débranché (le moteur force alors moins);
  • Écarter les étriers des freins, ce qui réduit la friction, permuter l’huile-moteur pour des lubrifiants particulièrement efficaces;
  • Tester la voiture à des températures élevées – les moteurs se réchauffent plus vite (et émettent moins);
  • Retirer les «extras», afin de diminuer le poids, sur-gonfler les pneus pour moins de résistance au roulement;
  • Apposer des adhésifs sur les interstices de la carrosserie ou sur la grille de radiateur, afin d’améliorer l’aérodynamisme;
  • Profiter du fait que la procédure officielle alloue une inclinaison maximale de 1% pour effectuer les tests en pente descente – à l’aller, comme au retour.

Dans son rapport Don’t Breath Here publié moins d’une semaine avant que n’éclate le scandale Volkswagen, l’organisme Transport et Environnement estimait justement qu’à elles seules, les quatre dernières «flexibilités» représentent une réduction de 10% des émissions mesurées.

Par ailleurs, le thinktank écologique écrivait «qu’avec l’électronique de plus en plus sophistiquée, il est facile de détecter si le capot d’une voiture est ouvert ou si ses roues arrière sont stationnaires pendant le cycle de conduite» – des conditions de tests en laboratoire que, justement, le logiciel truqué de Volkswagen sait reconnaître.

Soulignant que pareils defeat devices sont interdits en vertu de la norme Euro6, le rapport ajoutait, de façon prémonitoire: «Aucun constructeur n’a encore été poursuivi pour avoir contourné les règles, mais des témoignages anecdotiques suggèrent que la pratique est répandue.»

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3) Tout le monde le f(er)ait…

Les «flexibilités» dont il est question plus haut, les constructeurs (de même que les agences européennes mandatées pour réaliser leurs tests) ne se gênent plus depuis longtemps pour les utiliser.

Déjà, en 2012, une étude réalisée pour la Commission Européenne révélait qu’en une décennie, si une partie des réductions d’émissions de CO2 proclamées s’expliquait par des avancées technologiques, au moins 10% de la décroissance s’expliquait plutôt par le recours – grandissant – aux échappatoires.

Malheureusement, cette diminution sur papier – et sur dynamomètres – n’a aucun effet positif et réel sur l’environnement. Du coup, la moyenne européenne de 123,4g de CO2/km communiquée pour 2014 pourrait plutôt se chiffrer à 135,7g de CO2/km.

Le rapport de 2012 a également statué que l’utilisation d’échappatoires est «plus répandue dans l’Union européenne qu’ailleurs sur la planète» et qu’elle permet aux constructeurs d’économiser, dans leur lutte contre les émissions, jusqu’à un tiers des coûts (600 euros par véhicule).

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4) Qui a (osé) dire que personne n’en mourait?

On a pu lire ici et là que, contrairement au scandale de l’interrupteur défectueux chez GM ayant entraîné 124 décès, la cause VW n’avait pas tué personne.

Erreur: le rapport Don’t Breath Here estime que les émissions des moteurs diesel seraient à l’origine, chaque année en Europe, d’un demi-million de morts prématurées, d’un quart de million d’hospitalisations et de 100 millions de jours cumulatifs de travail perdus – l’équivalent d’une facture de 900 milliards d’euros.

Les premières lignes de l’analyse sont draconiennes: «Dans de nombreuses agglomérations d’Europe, l’air urbain n’est pas respirable et les principaux responsables sont les véhicules, notamment ceux diesel.» Ses conclusions sont les suivantes:

- Tous les grands constructeurs qui vendent des véhicules diesel échouent à respecter les limites de pollution imposées en Europe (et qui sont, rappelons-le, moins sévères qu’en Amérique);

- De tous les nouveaux véhicules diesel, seuls trois (sur 23) parviennent en conditions réelles à respecter la norme Euro 6, en vigueur depuis septembre;

- En moyenne, les nouveaux véhicules diesel vendus en Europe émettent cinq fois la limite légale de NOx. Le pire modèle (une Audi…) a émis 22 fois plus.

Rappelons que l’Organisation mondiale de la santé a décrété, pour la première fois en 2012, que les émissions de diesel étaient potentiellement cancérigènes.

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5) La bonne nouvelle… Volkswagen

Le positif qui ressortira du Das Skandal est que les règles gouvernementales se resserreront sans que l’industrie puisse livrer une aussi magistrale bataille qu’escompté.

Depuis un bon moment déjà, le lobbying automobile faisait pression auprès des autorités européennes qui sont à concocter la prochaine procédure officielle de tests, prévue entrer en vigueur en 2017. Essentiellement, il s’agira pour le World Light-Vehicle Test Procedure (WLTP, en remplacement du NEDC) de fermer la porte aux échappatoires, mais aussi d’intégrer un test en conditions réelles de conduite, soit la directive Real-World Driving Emissions (RDE).

Dans la foulée du DieselGate, The Guardian a cependant découvert qu’il n’y a pas que les constructeurs qui réclament la conservation des échappatoires et des délais supplémentaires avant l’implantation de la RDE. Des pays comme l’Angleterre, la France et l’Allemagne (êtes-vous surpris?) ont également milité dans le même sens.

Depuis le 18 septembre dernier, toutefois, gageons que plus personne ne pourra sérieusement engager le frein à main sur les futures normes – ou encore proposer, comme l’a fait l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), des mesures aussi farfelues que l’obligation de cours d’éco-conduite.

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6) Le pire, c’est que ça marche si bien

Ce qu’il y a d’intéressant dans le fameux rapport dévoilé en mai 2014 par la West Virginia University (WVU), celui-là même qui allait déclencher la saga Volkswagen un an plus tard, c’est qu’on y retrouve tous les détails de la pollution émise par le véhicule A (une Volkswagen Jetta 2012) et le véhicule B (une Volkswagen Passat 2013).

On y apprend ainsi que lesdits véhicules, soumis à cinq différents parcours californiens, ne polluaient pas de façon constante, mais bien périodiquement.

Mais lorsqu’ils le faisaient, c’était massivement.

Ainsi, la VW Jetta, équipée d’un simple piège à NOX, recrachait de 15 à 35 fois plus d’émissions que la limite légale nord-américaine. Ironiquement, les épisodes les plus polluants, elle les connaissait lorsque son système de traitement… entrait en fonction.

La VW Passat, équipée d’un dispositif (plus) sophistiqué de réduction catalytique sélective à base d’urée, polluait quant à elle de 5 à 20 fois plus que la norme. Mais lorsque soumise à un parcours supplémentaire de 4000km entre Los Angeles à Seattle, elle est parvenue, sur des autoroutes relativement plates et avec le régulateur de vitesse engagé (à 120km/h), à se maintenir sous les limites permises.

Notez qu’un BMW X5 diesel a été soumis aux cinq parcours principaux, mais que l’utilitaire pourtant plus grand, plus lourd et plus puissant que les deux berlines, a su respecter les normes d’émissions, à une exception près: lors des montées abruptes.

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Remarquez également qu’en toutes circonstances, et même lors des parcours routiers les plus exigeants, les trois véhicules ont émis bien en deçà des limites autorisées de CO2. Rappelons que l’un des principaux avantages des véhicules diesel est leur propension à consommer moins de carburant et, donc, à émettre moins de ce gaz responsables du réchauffement climatique.

Ce qui a le plus surpris Daniel K. Carder, l’un des auteurs de l’étude de la WVU et que nous avons pu rejoindre au téléphone, c’est que lorsqu’elles reconnaissaient être en tests, non seulement les Volkswagen respectaient la limite légale, mais elles la surpassaient par trois ou quatre fois. Pour l’universitaire, c’est là la preuve que lorsque la switch de contrôle des émissions est activée, les dispositifs de traitement sont tout à fait capables de faire leur boulot – et de fort belle façon.

Pourquoi donc ne pas les laisser fonctionner en permanence? L’équipe de The Left Lane Car vient de répondre d’un test, qui prouve que si la puissance d’une Jetta 2011 bronche à peine lorsque ses émissions sont contrôlées, le couple chute substantiellement (de 12%-), comme vous pouvez le constater dans le vidéo ci-dessous. (Notez que rien n’est encore prouvé quant à une possible détérioration de la frugalité en carburant.)

 

7) Pendant que VW triche, l’Europe se meurt

Le plus diabolique dans cette histoire, c’est que l’Union européenne affronte des épisodes de pollution urbaine au point où plusieurs de ses membres sont régulièrement en infraction avec les limites imposées. L’Angleterre est même poursuivie pour le dépassement du plafond d’oxydes d’azote, ce NOx dégagé par la combustion du diesel.

Mais des solutions émergent. Sans le savoir, la mairesse de Paris, décriée au printemps dernier pour son intention de bannir les véhicules diesel de son agglomération d’ici 2020, a peut-être misé dans le mille.

De même, en restreignant drastiquement l’immatriculation des véhicules à combustion, la Chine ouvre grand la porte… aux voitures électriques. «La liberté de circuler, (c’est la) clé du succès», écrit l’Asialyst .

Il y a trois semaines, ces initiatives semblaient exagérées. Aujourd’hui, merci à Volkswagen, elles ne sont que la pointe d’une transformation de l’industrie automobile – et de la manière dont la planète conçoit le transport.

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8) Le prochain (petit) scandale: l’injection directe d’essence

Avant le fatidique jour de septembre 2015, de nombreuses voix avaient pourtant discouru des écarts grandissants entre les limites imposées et les émissions réelles. Vous pouvez consulter l’énumération de ces études à l’annexe 3 (pp. 49 à 54) du rapport Don’t Breathe Here.

Certains de ces documents ont, au passage, commencé à écorcher la technologie de l’injection directe qui, ces dernières années, s’est rapidement démocratisée chez les moteurs à essence. Le fait est qu’ils libèrent une concentration importante – et inattendue – de particules, une tare jusqu’alors réservée aux motorisations diesel.

Heureusement, le problème se résout d’un manière simple, efficace et peu coûteuse, soit avec un filtre à particules qui coûte environ 75$Can. Encore faudrait-il que les constructeurs choisissent d’en équiper leurs véhicules…

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