Conduite autonome: c'est votre voiture qui me parle ainsi?

Nouvelles
mardi, 15 décembre 2015
Google s'attaque au grand défi de la conduite autonome: l'intersection. Il vient de faire breveter des alertes piéton livrant les intentions des autos sans pilote par des affichages, des messages... et des mains robotisées.

Vous êtes un piéton et vous vous apprêtez à traverser à une intersection. Votre regard scanne l’horizon et y détecte une voiture qui s’approche. Vous faites une pause afin d’analyser si le conducteur vous a aperçu – et s’il entend vous laisser le passage.

Un contact visuel s’établit avec l’automobiliste, qui freine son véhicule et vous invite, d’un signe de la main ou d’un appel de phares, à traverser. Ce que vous faites en toute sécurité.

Maintenant, transportons-nous en l’an 2030, lorsque les voitures autonomes seront monnaie courante – c’est du moins ce que prétendent des constructeurs comme Mercedes-Benz, Tesla et Volvo, mais aussi des entreprises non reliées à l’automobile, comme Apple et Google.

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Donc, nous sommes en 2030. Vous êtes à la même intersection et vous apercevez la même voiture qui s’approche. Cette fois, votre tentative d’un contact visuel avec le conducteur est tout à fait vaine; celui-ci est en train de lire son journal.

Ah non, pardon: des journaux, il n’en existera plus dans 15 ans. Disons plutôt que le conducteur consulte les grands titres de l’actualité sur sa tablette et, du coup, ne vous prête aucune attention.

Et pour cause: sa voiture, évidemment propulsée à l’hydrogène, est tout à fait autonome.

Mais pour vous, toujours au bord du trottoir, comment savoir si le système d’auto-pilotage du véhicule vous a «vu»?

Et quand bien même il vous aurait «vu», comment savoir s’il vous laissera passer – ou pas?

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Le grand défi

C’est à cette importante (!) question existentielle que Google veut répondre, avec un dispositif de communication qu’il désigne Pedestrian Notifications (traduction libre: alertes piéton) et qu’il vient de faire breveter par la U.S. Patent and Trademark Office.

La demande de brevet, déposée il y a plus de trois ans déjà (septembre 2012), fait 22 pages de texte et de croquis. On y lit que la compagnie Google (l’une des premières à avoir discouru de voitures autonomes et peut-être la plus avancée en la matière, notez bien) s’attaque au plus grand défi de la conduite sans humain au volant:

L’intersection.

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Le principal de son laïus décrit en long et en large un logiciel qui mise sur des capteurs (des caméras, des radars, des lasers, alouette), mais aussi sur du positionnement satellite et «d’autres moyens» pour lire la route et son enchevêtrement d’intersections, de passages piéton, de pistes cyclables, de feux de circulation, d’édifices et d’arbres qui bordent les artères, re-alouette.

Le système serait non seulement apte à distinguer les piétons de toute taille, mais également à déterminer si ceux-ci veulent traverser une intersection ou… s’y tiennent simplement en attendant l’autobus.

Lire la route: pas si simple…

Dit comme ça, cela peut paraître simple, mais les défis sont immenses – comme en fait foi le diagramme ci-dessus, puisé à même la documentation que Google a soumise aux autorités américaines.

De fait, un savant module de contrôle qui «apprend» et se perfectionne au fil des scénarios (qui de mieux placé que le célèbre moteur de recherche pour concevoir pareil algorithme…) tiendrait non seulement compte des paramètres de la voiture – sa vitesse, son temps de freinage, sa direction – mais aussi ceux du piéton.

Ce piéton qui s’apprête à traverser la rue, est-ce qu’il le fera en perpendiculaire ou en angle? Et ce sera à quelle vitesse? Assez vite pour que la voiture autonome n’ait pas besoin de ralentir, de freiner, voire de s’immobiliser complètement?

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La communication – primordiale!

Une fois la décision «automobile» prise (ce qui est déjà en soi un immense challenge informatique), un autre enjeu primordial surgit: la communication. Et cette dernière risque de s’avérer inadéquate si le conducteur est retiré de l’équation.

C’est bien beau, les clignotants, les phares, les feux de freinage ou de recul, voire les coups de klaxon. Mais ces éléments de signalisation, estime Google, pourraient ne pas suffire à communiquer les intentions d’une voiture autonome: «Faire s’immobiliser (ladite) voiture sans que son conducteur n’engage des signaux risque de ne pas rassurer le piéton qu’il est sécuritaire de traverser,» peut-on lire dans la documentation.

Google s’est donc dit qu’il faudra judicieusement signifier ces intentions – d’où ses alertes piéton. Et si l’on se fie aux croquis qui parsèment sa demande de brevet, les voitures autonomes n’auront d’autres choix que de se barder de panneaux électroniques: aux portières, au toit, au capot, au hayon…

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Ces affichages dynamiques utiliseraient des symboles, mais aussi des mots et/ou des images pour relayer l’action que l’automobile a décidé de poser.

Elle choisit de s’arrêter? Un Safe to Cross s’illuminerait – à la manière des voyants Walk ou Don’t Walk de nos feux de circulation. Au contraire, le scénario choisi par la voiture autonome est de poursuivre sa route? L’intention serait transmise aux autres usagers du réseau d’un pictogramme d’arrêt, par exemple.

Parce que tous ne sont pas voyants – ou attentifs… – des alertes sonores diffusées par haut-parleur viendraient appuyer le message, peut-être même des recommandations vocales préprogrammées.

Non, Google n’ouvre pas la porte aux instructions personnalisées. Quoique les pirates de l’informatique voudront bien s’y amuser un peu…

… tout comme ils voudront sûrement badiner avec ce possible «appareil qui reproduirait la gestuelle du conducteur». Indéniablement, il s’agit là de l’élément le plus curieux de tout le brevet qui vient d’être accordé, mais Google n’en fait pas de description, qu’une brève mention en quatre petites lignes perdues – et (malheureusement) sans croquis:

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D’autres dispositifs de signalisation peuvent inclure des mécanismes qui imitent les comportements humains, comme une main robotisée pour dupliquer des gestes, voire des yeux sur le véhicule permettant au piéton de reconnaître que le véhicule l’a “vu”.

Est-ce que l’intention était de noyer le poisson? Si oui, eh bien, c’est manqué. Car il n’en faut pas plus pour que nos imaginations fertiles galopent vers une main qui lève le doigt d’honneur ou une paire d’yeux qui roulent vers le ciel…

Vivement 2030.

SAVIEZ-VOUS QUE…

… la compagnie Google comptait, en novembre, plus d’une cinquantaine de voitures autonomes (23 Lexus RX450h et 30 prototypes) parcourant hebdomadairement environ 25 000 kilomètres de boulevards et d’artères dans les villes de Mountain View, en Californie et d’Austin, au Texas?

Depuis 2009, ces véhicules ont parcouru plus de deux millions de kilomètres en mode tout à fait autonome – ne se réclamant que de 17 accidents.

Le dernier en lice? Il s’est justement produit à… une intersection: la voiture Google aurait tenté un virage à droite sur feu rouge, mais un obstacle s’est dessiné devant et elle s’est immobilisée. Le véhicule qui la suivait n’a pas fait de même – un conducteur distrait? – et est venu emboutir son pare-chocs.

Notez bien que pareil incident n’aurait pas eu lieu si le second véhicule avait, lui aussi, été en mode autonome…

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