Vous avez sûrement reçu, un jour ou l’autre, un courriel discourant de cette voiture à l’air comprimé conçue par l’ingénieur français Guy Nègre, qui se dit ancien collaborateur à la Formule Un.

Cette voiture, qu’elle soit la AirCar, la MiniCat, la AirPod ou encore la OneCat aux allures de Volkswagen Beetle, promet mer et monde:

  • des pistons actionnés par l’air, une ressource infinie et gratuite, s’il en est bien une;
  • zéro émissions polluantes;
  • un coût d’acquisition variant de 5000$ à 20 000$ (selon les modèles), soit de deux à six fois moins cher qu’une voiture électrique;
  • une autonomie jusqu’à 300km, soit deux fois plus que la moyenne des actuels véhicules électriques;
  • le «plein» en trois minutes – à condition de trouver une station-service qui distribue de l’air comprimé. Bonne chance…

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Évidemment, ledit courriel ne stipule rien quant à l’énergie requise pour compresser l’air (par moteur à combustion? par nucléaire?). Plutôt, il affirme que les grands constructeurs de ce monde se méfient de cette technologie révolutionnaire.

Ou, thèse suprême du complot, que les méchantes pétrolières font tout pour l’enterrer.

Bref, la voiture à l’air comprimé est… dans l’air du temps depuis un bon moment déjà.

Mais dans les faits, ce procédé faisant appel à l’énergie libre n’a pas d’avenir. Encore moins, maintenant, que se soient démocratisées les hybrides, apparues au tournant du millénaire, puis les voitures électriques (elles aussi dites «zéro pollution») en début d’actuelle décennie.

Vrai que la CAT (compressed-air technology) fait régulièrement les manchettes et ce, depuis près de 15 ans. Mais sans jamais se concrétiser.

Ainsi, celle «conçue» par M. Nègre, par le biais de son entreprise Moteur Développement International MDI établie au Luxembourg (un paradis fiscal, s’il en est un…), devait entrer en production au début des années 2000. Puis, en 2003.

Mais elle n’a jamais vu le jour.

En 2007, l’indienne Tata, propriétaire de Jaguar et de Land Rover, a fait l’acquisition des droits de MDI (moyennant 28$ millions, disent certains), annonçant une très prochaine commercialisation.

Ladite commercialisation aurait passé, aux États-Unis, par la firme Zero Pollution Motors, qui prévoyait des mini-usines dans tous les états, dont 17 en Californie, 12 en Floride, 8 à New York…

Mais toujours rien.

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Le mois dernier, certains médias ont rapporté que Tata et Zero Pollution Motors reviendraient à la charge d’ici la fin de 2015 avec un projet-pilote à Hawaï – pour lequel du financement est recherché.

Sauf que le site du géant indien ne fait aucunement mention de cette annonce. Tout au plus son directeur de l’ingénierie avancée, Timothy Leverton, stipule dans un bulletin publié en janvier dernier «qu’on travaille sur des moteurs à l’air comprimé (…) mais il s’agit d’un projet à long terme, complexe et ambitieux.»

Qui plus est, les liens Internet qui, à l’époque, faisaient état du programme de Tata, sont devenus inactifs.

Et l’histoire, qui ne manque pas d’air… de se répéter.

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De fait, la propulsion pneumatique, qui a fait ses entrées dans les anales automobiles au début du siècle dernier, est peut-être la plus grande escroquerie automobile qui soit.

C’est qu’il n’y a pas de miracle mécanique – encore moins de mécanique miraculeuse. Sans quoi, les grands de l’automobile y bosseraient déjà activement.

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Alors, la prochaine fois qu’un courriel vous en fera miroiter les mérites, dégonflez l’allégorie en ces quelques points:

- Guy Nègre, un ingénieur né sur la Riviera Française et aujourd’hui âgé dans la soixante-dizaine, n’a jamais vraiment contribué à la Formule Un. Certes, il a bien tenté de mettre au point un moteur W12 pour le plus sélect des championnats de courses d’automobiles, mais aucun groupe n’a voulu en tirer profit. Le moteur s’est retrouvé aux 24h du Mans en 1990, où… il n’a jamais voulu démarrer.

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  • Qu’est-ce qui peut être aussi peu polluant qu’une voiture à l’air? Rien, peut-être. Le hic réside dans les lois de la physique: l’air n’emmagasine pas suffisamment d’énergie pour propulser même le plus léger des véhicules. De fait, la densité énergétique de l’air, même comprimé, procure jusqu’à 400 fois moins de mégajoules par kilogramme versus l’essence. Imaginez les dimensions du réservoir qu’il faut faire monter à bord pour obtenir ne serait-ce que le quart de l’autonomie automobile actuelle…
  • Pour résoudre le problème, des constructeurs d’importance (lire: avec de grands moyens financiers), tels Peugeot/Citroën, ont bien tenté de concevoir une hybride mixant la propulsion à l’air avec celle au carburant. Mais faute de partenaires intéressés à poursuivre la recherche, le programme de développement vient d’être suspendu. Indéfiniment.

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  • Besoin d’arguments supplémentaires? Lisez (en anglais seulement) ce reportage hautement critique réalisé en 2009. Voyez comment, depuis, les choses n’ont guère évoluées, côté propulsion pneumatique. Sauf, peut-être, les modèles, comme en fait foi notre galerie-photos…

Bref, la voiture à l’énergie libre ne roule pas sur… l’air. Et dites-vous bien que si l’idée était si bonne, en bien on la conduirait déjà!