Virage à droite sur feu rouge: VéDéFéRez-vous bien?

Trucs et astuces
mardi, 15 avril 2008
Le feu de circulation est au rouge, mais vous pouvez virer à droite, manœuvre autorisée au Québec depuis quatre ans (déjà!). Mais attention: avant de procéder, avez-vous complètement immobilisé votre véhicule? Vérifié qu’aucune autre voiture ou piéton n’avait la priorité sur vous? Autrement dit, avez-vous bien… « VéDéFéRé »?

Le virage à droite sur feu rouge, ou le VDFR dans le jargon du ministère des Transports du Québec (MTQ), a été autorisé le 13 avril 2003 partout au Québec, sauf sur l’île de Montréal. Rappelons que la belle province était le dernier bastion nord-américain, à l’exception de la ville de New York, à interdire le VDFR.

Depuis… que dalle. Pas d’hécatombe comme certains l’avaient prédit, pas de croisades municipales pour renverser le VDFR. Au contraire, les villes ont réduit le nombre d’intersections où il est interdit, dit Alain Mondy, du MTQ.

« Au départ, les administrations municipales, maîtres de leurs propres configurations de réseau, tendaient à être plus catholiques que le pape, dit le porte-parole du MTQ. Personne ne voulait être responsable d’un accident provoqué par un virage à droite sur feu rouge! La plupart ont cependant revu à la baisse leurs interdictions. »

Et pour cause : les statistiques colligées au Québec ont prouvé que les menaces brandies par les groupes opposés au VDFR ne se sont pas concrétisées. « Les accidents reliés au VDFR représentent moins de 1% de tous les accidents, soutient M. Mondy.

De fait, le nombre moyen d’accidents au Québec s’élève à 12 000 par mois et, de ce nombre, seuls 22 accidents sont attribuables au VDFR. On peut donc dire que l’impact n’a pas été significatif. »

VéDéFéRez librement

Finalement, le VDFR sera entré dans nos mœurs en un temps record. Peut-être même dans un temps trop record, disent ceux qui assurent la sécurité automobile et qui aperçoivent régulièrement des automobilistes effectuer des manœuvres aberrantes. «Comme de virer à droite sans s’arrêter!» s’indigne Yvon Lapointe, directeur de la sécurité routière à l’Association canadienne pour les automobilistes (CAA-Québec).

« Nombreux sont les automobilistes peu soucieux de la sécurité et qui ralentissent à peine au feu rouge, avant de s’élancer vers la droite sans trop regarder, déplore M. Lapointe. Les gens ne réalisent pas qu’agir ainsi, c’est comme de ne pas respecter un panneau arrêt. C’est même pire parce que s’il y a un feu de circulation, c’est que le niveau de risque est plus élevé. »

La règle du VDFR est pourtant simple : immobilisation complète, vérification attentive, et l’on repart si la voie est libre.

Répétons ensemble : immobilisation complète, vérification attentive, et l’on repart si la voie est libre.

Encore une fois? Bon, d’accord, vous avez compris. Mais avez-vous bien saisi que «libre » signifie que les piétons ayant la priorité, accordée par le feu vert ou le petit homme clignotant, ont franchi leur passage en sécurité?

Que les véhicules venant en sens contraire, et qui détiennent le bénéfice de la flèche verte, ont traversé l’intersection en toute quiétude?

Bref, le VDFR doit s’effectuer de façon sécuritaire pour tous les usagers de la route. Tant les automobilistes, que les cyclistes et les piétons, surtout ceux dits « vulnérables », c'est-à-dire les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées.

« Traverser une intersection ne devrait être un cauchemar pour personne! » dit le MTQ.

Le parfait «  védéféreur »

Il y a plus : le parfait « védéféreur » prendra soin de ne pas empiéter sur le passage piéton avec son véhicule. Et parce qu’il s’immobilisera complètement, il aura tout le temps nécessaire de bien analyser d’éventuels panneaux de VDFR. Tel celui interdisant la manœuvre en certaines heures, seulement. « Complexe, ce panneau? Pas plus que ceux qui interdisent de virer à gauche entre telle et telle heure, » dit Yvon Lapointe.

Enfin, le « védéféreur » exemplaire fera preuve de courtoisie envers ceux qui choisissent de ne pas « védéférer ». Il sait bien que la manœuvre est un privilège, non pas une obligation.
Malheureusement, les bons « védéféreurs » au Québec ne sont pas légion. Il faut bien l’admettre : « Nous avons des comportements moins disciplinés que les Canadiens anglais et les Américains, » dit M. Mondy, du MTQ.

« Il y a une raison qui explique cette indiscipline, au Québec : l’absence de contrôle routier, » dit Yvon Lapointe. En effet, l’an dernier sur l’ensemble du territoire desservi par la Sûreté du Québec, seules 209 contraventions ont été décernées aux « védéféreurs » qui ne se sont pas immobilisés complètement; 76 l’ont été à ceux qui ont fait fi de l’interdiction; et 43 ont été remises à des impatients qui ont ‘klaxonné’ le choix, du conducteur devant, de ne pas « védéférer ».

Ces infractions coûtent 100$ (plus frais) et seules les deux premières entraînent trois points d’inaptitude…


Montréal ne « védéférera » pas

Mis à part les quelques panneaux installés à l’entrée de l’île de Montréal, rien n’indique ailleurs que le VDFR est interdit dans la métropole. Peut-être serait-il temps d’harmoniser la chose avec le reste du Québec?

C’est du moins ce que croit Yvon Lapointe, directeur de la sécurité routière chez CAA-Québec. Et pour justifier sa position, il rapporte son expérience personnelle : « Je voyage partout dans la province, j’ai donc pris l’habitude de tourner à droite sur un feu rouge, sauf là où un panneau l’interdit. Malheureusement, à Montréal, rien ne vient nous rappeler cette interdiction. Et je me suis moi-même surpris à virer, par simple habitude. »

Selon M. Lapointe, il est temps de questionner cette interdiction générale montréalaise : « Certainement pas pour le centre-ville, où l’on comprend aisément que le VDFR n’y soit pas autorisé, mais pourquoi pas en périphérie? À Ville Lasalle ou à Pointe-aux-Trembles, par exemple? »

C’est hors de question, répond Robert Kahle, chef de la division Sécurité et Aménagement du réseau artériel pour la Ville de Montréal. « Le VDFR, c’est l’antithèse de ce que nous essayons de mettre en place : une circulation coordonnée, des piétons et des cyclistes en sécurité, une qualité de ville où les gens n’ont pas à craindre d’y déambuler. »

M. Kahle fait aussi valoir que Montréal n’est plus très jeune : « Les quartiers sont populeux, le milieu de vie est très dense, les voies sont congestionnées par des véhicules stationnés, les bâtiments n’ont pas de recul par rapport à la rue… Bref, le VDFR à Montréal serait une hérésie. »

Enfin, M. Kahle rappelle qu’outre l’Amérique du Nord, la majorité des contrées interdisent le VDFR. Surtout : « J’ai assisté à plusieurs rencontres internationales où des métropoles ayant implanté le VDFR disaient avoir fait une grosse erreur. Mais que devant la pression publique trop forte, ils ne pouvaient malheureusement la corriger… »

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