J'ai conduit la Tata Nano!

Blog Live
lundi, 14 décembre 2009
Pour la journaliste automobile que je suis depuis 10 ans maintenant, passer par l’Inde sans conduire la Tata Nano, c’était impensable. Surtout que personne, dans toute l’Amérique, me dit-on, n’y a encore posé ses fesses.

C’est donc en grande primeur que je vous invite à découvrir avec moi comment la Tata Nano réussit – et de belle façon! – à s’offrir pour moins de 2200 $US.

Qui est Tata?
Tata est un géant indien non seulement de l’auto, mais aussi des communications, de l’aciérie, et même de la vaisselle. Quand, en 2003, le grand patron, Ratan N. Tata, a convoqué ses ingénieurs pour qu’ils lui concoctent une voiture à 100 000 roupies, les employés ont d’abord crié à l’impossible.

La légende veut que M. Tata en ait eu assez de voir des familles entières juchées en équilibre précaire sur des motocyclettes : le père devant, un enfant derrière, la mère en amazone avec un bébé dans les bras… Si la scène est banale en Inde, cela reste peu sécuritaire et pas confortable du tout, surtout en période de mousson, lorsqu’il pleut des trombes d’eau.

C’est pour cette tranche de la population indienne que M. Tata a voulu mettre au point un moyen de transport efficace, sécuritaire et abordable. Nos plus plates excuses : nous n’avons pu confirmer la chose auprès de lui. Lors de notre passage, lui-même se trouvait à Washington auprès d’un certain Barack Obama...

Pour le prix de deux motocyclettes
Malgré les « Impossible! » lancés il y a six ans, le défi a été relevé – et avec brio, j’ose dire. Les premières Nano ont commencé à être livrées à travers toute l’Inde en juillet dernier pour le coût d’à peine deux motocyclettes – ou, si vous préférez, pour deux fois et demi moins cher que les voitures jusqu’alors les moins dispendieuses sur le marché indien.

Comment fabriquer une automobile à si petit prix? « Il nous a fallu tout réinventer », dit Abhay Deshpande, le responsable de l’Intégration pour l’équipe Nano rencontré à Pune, à 170 km de Mumbai et là où se trouve la plus importante usine du constructeur.

Tout réinventer… mais encore? « Entre autres, il nous a fallu faire du ‘deux en un’ afin que les pièces remplissent plus d’une fonction, » élabore M. Deshpande. Ainsi, les pompes à l’eau et à l’huile sont réunies en une seule unité, la traverse qui assure la rigidité de la caisse sert aussi d’ancrage aux sièges avant et un seul levier (modèle de base) combine les clignotants et l’essuie-glace.

Aussi, la Nano n’a qu’un seul essuie-glace et son plein d’essence s’effectue sous le capot avant – ainsi, on ne perce pas le flanc de la carrosserie et on économise un bouchon à verrou. Les quatre roues fixées avec trois plutôt que quatre boulons permettent de sauver 1,50$ par Nano, soit 150 000$ en cette première année de production. Bref, la Nano est constituée de 20% moins de pièces versus les voitures conventionnelles.

Sans… chauffage !
Mais ça ne suffisait pas pour relever le défi des 100 000 roupies. Il a aussi fallu retrancher, pour le modèle de base du moins, la direction et les freins assistés, le porte-gobelet, la climatisation et… le chauffage (!).

Si le tableau de bord est rudimentaire, il compte néanmoins l’essentiel : la vitesse et la jauge à essence. Pas de radio, encore moins d’ordinateur de bord. Aux pédales, les fils et structures ne sont pas dissimulés et la batterie est bien apparente sous le siège du conducteur. 

Même la version « luxueuse » doit faire sans volant ajustable, avec des freins à tambours et un hayon fixe – le cargo est rejoint par la portière arrière et en relevant la banquette. Bien qu’elle se détaille 140 000 roupies (3000$US), c’est cette LX que les acheteurs privilégient. Et pour cause : elle s’offre avec la climatisation et les vitres électriques, tout en restant bien en deça du prix des autres voitures les plus économiques.

M’est avis que les GM, Toyota, Ford et autres grands constructeurs automobiles de ce monde espèrent secrètement que Tata se plante, avec sa Nano. Sinon, ça voudra dire qu’il leur faudra, eux aussi, en arriver à produire des petites voitures pas mal moins chères…

Plus grande que la Smart
Petite, la Nano? Pas tant que ça. Même qu’elle est presque un demi-mètre plus longue que la Smart. Cette dernière n’a que deux portes et n’accueille que deux passagers? La Nano a quatre portes et peut confortablement accueillir quatre adultes.

Même qu’on peut serrer un 5e passager à l’arrière, sans compromettre l’espace cargo qui accepte quelques sacs d’épicerie. Attention de ne pas y mettre son lait ou son beurre, cependant : le moteur situé tout juste dessous dégage une telle chaleur…

Heureusement pour moi, les gens de Tata m’ont réservé le circuit fermé de l’usine pour que j’y effectue quelques tours de piste. Quel soulagement de ne pas avoir à cumuler la conduite à droite avec la circulation infernale qui sévit en Inde et qui exige un usage abondant de l’avertisseur!

Bon, qu’on se le dise tout de suite : une Nano, ce n’est pas une Porsche. Son petit moteur deux cylindres (!) développe tout juste… 35 chevaux et 35 lbs-pi de couple. Aussi, j’ai eu peine à engager la 2e vitesse, mais c’est sans doute la faute de ma main gauche, peu habituée à « shifter ».

Le 0-100km/h? N’y pensez pas, il demande… 41 secondes ! Mais qui a besoin de puissance dans un pays où l’on est toujours freiné par un touk-touk ou une vache sacrée? Ce qui compte, c’est la frugalité en carburant et à ce chapitre, la Nano fait aussi bien qu’une hybride, avec son 4,2L/100km.

Sans direction assistée, la Nano demande à ce qu’on sorte de l’huile de bras en virage, mais juste un peu. Là où mon expérience de nord-américaine souffre, par contre, c’est en freinage : la manœuvre est bien peu directe, avec ces tambours (plutôt que des disques) à l’avant…

Si les familles qui voyagent à motocyclette trouveront la Nano des plus confortables, j’ai quand même trouvé sèche cette suspension posée sur de minuscules roues de 12 pouces. La garde au sol a l’avantage d’être plus élevée que la moyenne, pour une bonne position de commande et une excellente vision tout autour. L’empattement (plus long d’un tiers de mètre que pour la Smart) assure une tenue de route somme toute stable. 

Au-delà de la conduite, au demeurant très honorable si l’on tient compte du prix d’étiquette, ce qui plaît le plus chez la Nano, c’est cette bouille ronde, rieuse et moderne – avec un zest du museau de la Prius, peut-être? Dans sa teinte jaune canari, elle détonne dans le paysage automobile indien où tous les véhicules sont soit gris, soit noirs, soit blancs.

Je ne suis pas une experte en automobiles indiennes, mais ma plus grande surprise à l’égard de la Nano reste qu’on ait pu produire, pour le prix, quelque chose qui sorte si sympathiquement de l’ordinaire.

Prenez-moi au mot, car si vous attendez que la Nano débarque sur notre continent pour en faire la preuve par vous-mêmes, vous risquez d’attendre longtemps. La petite connaît un tel succès en Inde que toute sa production est réservée jusqu’en… 2011. Ce n’est donc pas demain la veille que Tata se mettra à cogiter une version Nano plus puissante et mieux équipée pour le marché nord-américain!


FICHE TECHNIQUE
Tata Nano
Quatre portes, quatre passagers
Moteur : deux cylindres de 0,6 litre
Performances : 35 chevaux, 35 lbs-pi
Boîte : manuelle quatre rapports
Consommation : 4,2L/100km
Transmission : propulsion
Direction : non assistée
Freins : à tambours aux quatre roues (pas d’ABS)
Suspension : indépendante
Garde au sol : 180mm
Poids : à peine 600kg
Prix : à partir de 100 000 roupies (2200$US)
Fabrication : Inde – réservée pour le marché indien
Particularité : la voiture la moins chère du monde – et de loin!

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