Jeep Wrangler ou Land Rover LR4: Bouette ou champagne?

Comparos
lundi, 23 septembre 2013
Depuis toujours, entre Jeep et Land Rover, c'est la guerre. La guerre, hors des sentiers battus, entre les prouesses surhumaines du premier et la virtuosité endimanchée du second. Pour couronner un vainqueur une bonne fois pour toutes, nous avons organisé un duel entre le Jeep Wrangler Rubicon et le Land Rover LR4. Entre bouette et champagne, qui l'emporte?

Je bourlingue dans le monde automobile depuis une décennie et demie déjà (avec une carte professionnelle décorée de Jeep en pleine expédition dans la véritable Rubicon Trail, Sierra Nevada) et malgré tout ce que j'ai pu conduire jusqu'à présent, c'est encore et toujours... un bon vieux Jeep Wrangler que je voudrais garer en priorité dans mon entrée.

Bon, voilà, c'est clair pour tout le monde : j'ai une nette préférence pour le Jeep.

Dans le champ gauche...

Et celui que nous jetons en pâture au très britannique Land Rover LR4 est la variante Rubicon Unlimited 10e anniversaire, « le Wrangler le plus capable jamais produit par Jeep », clame son constructeur.

Dans le champ gauche, donc, nous avons ce Jeep Wrangler Rubicon à quatre portières, avec son moteur Pentastar V6 (3,6 L) de 285 chevaux, sa boite manuelle six vitesses, son système quatre roues motrices à prise temporaire, ses barres antiroulis que l'on peut désengager, ses différentiels qui se verrouillent tant à l'avant qu'à l'arrière...

Surtout, cette édition limitée célébrant dix années de Rubicon s'amène avec des pneus à la semelle monstre : des BF Goodrich LT265/70R17 de 32 pouces, qui rehaussent d'un demi-pouce l'une des gardes au sol au départ les plus élevées du marché.

Combien, pour ça? Un beau... 48 700 $ avant taxes.

Soit une étiquette de base de 36 000 $ (pour le Rubicon « tout nu »), à laquelle s'ajoutent 6 000 $ pour le groupe optionnel 10e Anniversaire (identifiable par cette teinte bleu-gris de carrosserie et le revêtement en cuir rouge à l'intérieur), « l'ensemble deux capotes », le système de navigation et... alouette!

Dans le champ droit...

Maintenant, dans le champ droit : le Land Rover LR4 s'amène... en supériorité numérique sur toute la ligne :

  • un V8 (5,0 L) de 375 chevaux, qui requiert de l'essence super, notez bien;
  • une longueur hors tout de presque un demi-mètre de plus;
  • une troisième banquette pour accueillir deux passagers supplémentaires;
  • 610 kilos en sus.

Le prix d'étiquette pour ce baroudeur doté du très sophistiqué rouage intégral Terrain-Response? À partir de 61 400 $, mais une visite sur le site canadien nous apprend qu'il faudrait verser plus de 75 000 $ – avant taxes – pour s'offrir un LR4 similairement équipé (notamment du toit panoramique et de jantes exclusives). Sauf que... le flegmatique utilitaire, trop sûr de lui, n'a pas daigné revêtir une autre cuirasse que celle qu'il brandit de série.

Et « rien qu'à vowère », on voit bien : non seulement ses pneus de P255/55R19 (de simples toutes saisons!) n'ont pas l'agressivité des monstres en caoutchouc que chevauche le Jeep, mais ils ne permettent pas une aussi généreuse garde au sol (24 cm contre 27 cm).

Croyez-moi : un pouce, ça peut faire toute la différence...

Ça n'aura pris que trois minutes...

Et ça n'aura pris que trois minutes, dans un sentier d'une difficulté moyenne, pour que le Land Rover LR4 fasse sentir son handicap.

Pourtant, à son volant, se trouvait un collègue conducteur aguerri, qui plus est un vendu à la cause Land Rover – et qui affirme préférer le luxe et son champagne au « comportement des années 40 »... Mais que voulez-vous, malgré tous ses efforts, la garde au sol du Land Rover n'a pas voulu coopérer.

Voyez comment, dans notre vidéo, il faut déplacer des roches, s'y prendre à deux fois dans les tranchées boueuses et s'aventurer précautionneusement afin que les quelques kilomètres parcourus sous les pylônes électriques n'endommagent pas jantes et carrosserie. Nul besoin de vous dire que lesdites jantes ne s'en sont pas tirées indemnes, que quelques tôles ont été cabossées sous le châssis... et qu'un doigt d'honneur s'est à un moment donné élevé, tel un évident signe de contrariété.

Du hors route pour les nuls

Par contre, en dépit de ce criant désavantage, le Land Rover LR4 s'est débrouillé beaucoup mieux qu'espéré, et ce, dans une étonnante douceur.

D'abord, contrairement au Jeep Wrangler qui s'est amené avec la boite manuelle six vitesses, et dont le passage exige une dextérité de tous les instants, le Land Rover LR4 vient de série avec la boite automatique (six rapports également). L'on dira ce que l'on dira, mais en situations corsées, une telle transmission a comme atouts celui de se faire oublier... et celui de conserver la lancée vers l'avant.

En outre, la suspension pneumatique électronique équilibre le véhicule telle une assiette, et ce, même si quelques roues (oui, oui, nous pesons nos mots : quelques roues) ne touchent plus terre. Conséquence : contrairement aux soubresauts inhérents au Jeep Wrangler, en aucun temps le Land Rover LR4 ne brasse ses occupants, qu'importe le terrain.

Au contraire, véritable havre de paix sur quatre roues, l'utilitaire anglais bichonne ses occupants grâce à des sièges hyperconfortables et de multiples réglages électriques. Ces mêmes personnes ont aussi droit à une climatisation bizone, un système audio Harman/Kardon, un volant et des sièges chauffants (même à l'arrière, les sièges chauffants!), un démarrage sans clé et une planche de bord tout ce qu'il y a de plus high-tech.

Qui plus est, son Terrain Response, probablement le système quatre roues motrices (permanent) le plus sophistiqué de l'heure, est étonnement facile à activer. Il suffit d'engager le mode approprié – herbe, neige, boue, racines, sable ou rochers – et le travail s'effectue en toute discrétion. Tellement, que le pilote ne peut en tirer aucune gloire. (Désolée, David...)

Bref, du hors route pour les nuls...

L'arme fatale

Pendant que le Land Rover LR4 en arrachait (soyons honnêtes...), on soulageait de quelques livres les pneumatiques du Jeep Wrangler Rubicon, on en déconnectait les barres antiroulis, on engageait la gamme basse (le mode « p'tit bœuf », comme on disait dans le temps) et on verrouillait les différentiels... Et c'est parti, mon kiki!

Dès les premiers instants, l'utilitaire américain se rit des obstacles boueux ou rocheux, avec une facilité déconcertante – mais attendue, de la part du légendaire aventurier. Certes, c'est en secouant magistralement ses passagers que le Jeep Wrangler s'est lancé sur les traces de l'adversaire britannique. Et n'eût été les limites de ce dernier, l'américain serait allé se balader dans des sentiers encore plus ratoureux.

Voyez, dans notre vidéo, comment rien n'arrête ce roi de la jungle – pas même la crainte d'abimer sa carrosserie, ses organes vitaux, et encore moins ses jantes. Incroyable, comme il passe, les deux doigts dans le nez, là où son éternel rival s'embourbe, se coince, se cogne, s'immobilise...

Oui, le Jeep Wrangler Rubicon 10e Anniversaire profite d'une garde au sol plus obligeante et de pneumatiques adaptés à la situation, mais à la guerre comme à la guerre, c'est lui qui a remporté cette manche hors des sentiers battus. Et ce, sans même laisser perler une goutte de sueur.

Avec en prime, un habitacle qui se décapote complètement – même l'immense toit panoramique du LR4 ne peut battre ça. Ironique : c'est finalement à bord du Jeep Wrangler Rubicon que les souliers Santoni ont le moins souffert...