Un permis d’apprenti pour les nouveaux arrivants qui ratent l’examen de la SAAQ
Le 5 juin prochain, plusieurs modifications au Règlement sur les permis qui touchent les nouveaux arrivants au Québec entrent en vigueur. Elles visent surtout à renforcer la sécurité routière et à harmoniser la loi québécoise avec celle des autres provinces pour le permis de conduire Auto (classe 5).
Ainsi, les détenteurs d’un permis étranger recevront un permis d’apprenti s’ils échouent à l’examen pratique imposé par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) pour la reconnaissance de leur expérience de conduite.
Cette obligation s’appliquera aux titulaires d’un permis de conduire délivré par un État autre que le Canada, les États-Unis ou un pays avec lequel le Québec a une entente de réciprocité : Allemagne, Autriche, Belgique, France, Grande-Bretagne (Angleterre, Pays de Galles et Écosse), Île de Man, Irlande du Nord, Pays-Bas (Hollande et Antilles néerlandaises), Suisse, Corée du Sud, Japon et Taïwan.
Le permis «apprenti» pour les immigrants qui échouent
Dès leur arrivée au Québec, les personnes souhaitant s’établir ici ont six mois pour troquer le permis délivré (depuis au moins un an) par leur pays contre un permis de classe 5 du Québec. Ce délai est plus généreux au Québec que dans la majorité des autres provinces : il est de 90 jours maximum en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Saskatchewan, et de seulement 60 jours en Ontario.
Pendant cette période de grâce, les nouveaux arrivants originaires d’un pays sans entente de réciprocité avec le Québec peuvent conduire temporairement avec leur permis étranger, mais ils doivent réussir l’examen de conduite théorique puis l’examen pratique de la SAAQ. Jusqu’à présent, le fait d’échouer à ces tests de compétence pendant cette demi-année n’entraînait aucune conséquence pour ces automobilistes ; malgré des échecs répétés, ils pouvaient continuer de conduire sans être accompagnés.
Ce ne sera plus le cas : comme tous les Québécois, les nouveaux établis dans la Belle Province qui échouent à leur examen pratique seront désormais limités au permis d’apprenti conducteur de la SAAQ, avec les contraintes qui s’y rattachent.
À quoi les apprentis conducteurs devront-ils s’astreindre ?
Comme tous les apprentis conducteurs du Québec, les nouveaux arrivants qui doivent conduire come apprentis devront être accompagnés soit d’un moniteur de conduite, soit d’un titulaire de permis de conduire québécois de classe 5 (et à condition que celui-ci soit valide depuis au moins deux ans).
De même, ils devront se soumettre aux règles suivantes :
- ne pas conduire entre minuit et 5 h du matin ;
- respecter la règle du zéro alcool ;
- avoir toujours moins de 4 points d’inaptitude inscrits à leur dossier.
Comme tous les autres Québécois qui échouent à l’examen pratique de la SAAQ, ils pourront le reprendre autant de fois que nécessaire, en respectant l’intervalle minimal de 28 jours entre chaque tentative.
Pareil délai permettra aux candidats de maîtriser les règles de la circulation québécoise et de développer leurs habiletés de conduite — ce que la SAAQ les invite à faire avec ses guides et vidéos ou encore en s’inscrivant à des cours de perfectionnement offerts par des écoles de conduite reconnues.
Des statistiques derrière ce resserrement des règles
Apprivoiser les spécificités de notre code de sécurité routière, composer avec les nids-de-poule québécois et les zones de travaux, louvoyer entre les véhicules dans les bouchons de circulation, enfiler les autoroutes où les limites de vitesse sont rarement respectées, survivre aux conditions hivernales… la tâche n’est pas mince pour ceux qui sont nés ici. Alors, imaginez ce qu’elle représente pour ceux qui doivent s’y adapter !
Voici ce qu’indiquent les données de la SAAQ :
- Deux titulaires d’un permis de conduire étranger sur cinq (41 %) échouent à leur examen pratique à au moins une reprise. C’est deux fois plus que pour les Québécois (20 %).
- Les nouveaux arrivants originaires de pays sans entente de réciprocité avec le Québec ont 42 % plus d’accidents que les conducteurs originaires des autres provinces canadiennes (3,94 accidents par 1000 titulaires de permis pour les immigrants « sans réciprocité », contre 2,79 accidents pour les conducteurs canadiens).
300 000 nouveaux conducteurs «d’ailleurs» en trois ans
Au moment où nous écrivions ces lignes, la SAAQ n’avait pas pu fournir à Protégez-Vous des précisions quant aux types et aux emplacements des accidents mettant en cause de nouveaux arrivants. Mais si l’on se fie aux déclarations de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, ce sont les usagers du réseau routier urbain qui sont les plus à risque :
« Avec des taux d’échec élevés chez les nouveaux arrivants, il était impératif d’agir pour resserrer les règles d’accès à la conduite, annonçait Mme Geneviève Guilbault l’automne dernier. Le changement apporté nous assure qu’une personne ayant démontré son inaptitude à conduire ne peut pas continuer de prendre le volant seule, jusqu’à ce qu’elle ait fait la preuve de ses capacités à respecter les règles et à adopter des comportements sécuritaires de conduite au Québec. Ce changement est nécessaire pour protéger tous les usagers de la route, notamment les usagers vulnérables comme nos enfants et nos aînés. »
La SAAQ rapporte qu’en trois ans, les demandes de reconnaissance d’expérience pour les permis de conduire délivrés à l’étranger ont plus que triplé. Elles ont bondi de 49 919 requêtes en 2022 à 85 329 requêtes en 2023. En 2024, il y a eu plus de 160 000 demandes.
C’est donc près de 300 000 nouveaux conducteurs provenant de l’étranger qui sont venus gonfler (de 5 %) les rangs d’un peu plus de six millions de titulaires de permis de conduire québécois.